Le hurlement du loup [Calyssa]

Le hurlement du loup

Les choses évoluaient à grande vitesse dernièrement. C’était comme une partition qui se jouait, un rythme qui s’accélérait… Anastasia ignorait toujours où ce tempo allait l’envoyer, ce que la déesse avait prévu pour elle mais elle avait cessé de lutter et nageait désormais à fond dans le courant. Une famille volée pour une famille retrouvée. C’est ainsi qu’Anastasia justifiait son parcours… Comme si le deuil de son mari et de son enfant était la volonté d’une force supérieure pour la forcer à reprendre la route. Comme si elle était guidée dans ses actes depuis cet instant fatidique. Pendant trente ans, elle avait cru sa famille morte et voilà soudain qu’elle retrouvait son oncle, son frère, découvrait que son père vivait... Et que dire de son amie d’enfance, Delilah (Nyrea), qu’elle considérait comme sa propre sœur ? Jamais tout cela ne serait arrivé si elle était restée dans l’Orage où elle menait une vie paisible… Jamais ne se serait lancée dans l’épopée de Fedja, n’aurait été confrontée aux Ozova, à Katerina, n’aurait revu et pu sauver Vaelyre de la catastrophe…

Oui, la déesse guidait forcément ses pas.

Mais dans quel but ? Lui permettre de venger sa mère, sa famille et tous ceux qui avaient péri ? La pousser à construire un avenir meilleur pour l’archipel en s’emparant de Fedja, du duché, de la couronne peut-être ?
Pourquoi Vaelyre ne voulait-il rien entendre ? Pourquoi refusait-il de se battre ? Cela lui avait-il suffit d’abattre Katerina ? Un feu s’était embrasé dans la poitrine d’Anastasia ce jour-là. La colère avait ressurgi avec tant de force…

Trente ans à chercher à donner du sens à sa vie…

Elle était venue à Khesa pour parler au duc, ou plus exactement à son descendant. Anastasia comprenait fort bien qu’il serait difficile de vaincre l’ennemi sans jouer de toutes les forces en présence. Du reste, les Sovevna ne tireraient jamais leur part du gâteau en restant à l’écart, ils devaient entrer sur l’échiquier dès le début de la partie. Il fallait tisser des alliances entre les différentes factions, mettre - au moins provisoirement - la rancœur de côté et faire front commun. Cela serait-il seulement possible ? Dans un premier temps, elle devait déjà identifier les amis et les ennemis des Ozova… Et elle connaissait bien Avitus pour avoir travaillé pour lui à de maintes reprises. Un homme bien, qui lui était redevable. Par son intermédiaire, elle tenterait de savoir de quel côté de la balance pesait Temerys. Si c’était contre les Ozova, alors elle se dévoilerait, tenterait de négocier un semblant d’alliance peut-être. Les feux de Beltane seraient une opportunité d’approcher… Il faudrait être patiente.

Les touristes affluaient pour les célébrations et le tourisme, la ville était en liesse. Anastasia profitait encore de la sécurité que lui procurait l’anonymat. Peu de gens étaient au courant de son identité mais cela ne durerait pas. La nouvelle que la fille du roi des pirates était vivante finirait par se répandre tôt ou tard, remonterait dans les oreilles des mauvaises personnes. Elle jouerait sous peu de son nom pour contrer la propagande de Velizar, tenter de rallier d’anciens vassaux ou montrer aux royalistes que son demi-frère n’était pas légitime dans sa course au trône. Si cela pouvait le décrédibiliser et  freiner au moins un peu son avancée… Il lui faudrait alors s’entourer tôt ou tard de garde-du-corps, songea-t-elle en soupirant intérieurement. Mais pour l’heure, elle n’était qu’un visage anonyme au milieu d’une foule, et c’était plaisant. La jeune femme pouvait bien savourer ses derniers moments de calme avant la tempête !

Anastasia buvait un verre en compagnie de quelques membres de son équipage, se promenant dans la fête foraine qui avait élu domicile pour les célébrations. Elle s’offrit le luxe de participer à quelques jeux et remporta une peluche en forme de lapin. Mais alors que son groupe faisait la queue pour acheter à manger, la jeune femme aperçu quelque chose de troublant. Un visage qui lui semblait familier…

Elle plissa des yeux. L’obscurité naissante n’était pas un frein, non elle y voyait très bien de part son ascendance océanide, mais la foule, en revanche, était un obstacle de taille. Avait-elle rêvé cet homme ?

Anastasia décida de le prendre en chasse sans rien dire à son groupe, de s’en approcher discrètement. Où avait-elle vu ce visage, déjà ? L’évidence la frappa après quelques minutes lorsque ses yeux se posèrent sur le blason gravé sur le pommeau de son épée…

Loup Blanc. La garde rapprochée de Katerina Sovevna, sa tante félonne… Celle qui avait détruit sa famille.
La vipère était morte, mais Anastasia avait croisé plusieurs de ses gens en assistant à son meurtre… Ce devait être l’un de ces visages là. Un des hommes rencontré à Fedja… Qu’était donc devenu l’ordre des Loups Blancs ? Il avait du se dissoudre après la mort de leur alpha… Il n’avait plus de raison d’exister sans Katerina. A moins qu’ils ne servent quelqu’un d’autre… Sa tante avait-elle une descendance ? se demanda Anastasia confuse.

Cet homme était assez âgé pour avoir participé au coup d’Etat. Avait-il contribué à la tuerie ? A la mort de sa mère ? Etait-il,  peut-être, un de ces soldats qui l’avait prise en chasse alors qu’elle fuyait avec sa nourrice ?! La colère la prit aux tripes. Il était seul. Où allait-il ? Pour quoi faire ? Il fallait qu’elle sache.  La belle aurait le fin mot de l’histoire… Et elle tuerait cet homme, elle se le promit.

Anastasia prit le parti de le prendre en filature. Il s’éloignait peu à peu du gros de la foule et des stands de nourriture pour se diriger vers l’arrière de la fête foraine, moins fréquentée. L’entrée d’un labyrinthe de fagots de paille. Y rejoignait-il quelqu’un ? Elle s’engouffra à sa suite sans se rendre compte qu’elle même était suivie…  

Codage par Libella sur Graphiorum

Le temps a une façon bien à lui de nous faire vivre le cours de son existence. Il y mélange mauvais coups du destin et ironie qu’il entrecoupe parfois de bons moments. Comme si ce n’était pas suffisant, parfois le karma s’en mêle d’autant plus. Le temps mène le jeu d’une main de maître sans jamais savoir quand viendra le dernier battement, le dernier souffle, le dernier rire. Certains ont donc la propension à vouloir profiter de chaque seconde comme si c’était la dernière, d’autres préfèrent se plaindre du temps qui passe. Pour Calyssa, il ne s’agit ni d’une course contre la montre, ni d’un moment incroyable pour se prélasser. Elle, elle profite de tous ces beaux moments qui parsèment sa route parce que la vie s’est assurée qu’elle connaisse son lot de drames dès un jeune âge. Certes, elle n’est pas la plus à plaindre, elle est largement plus chanceuse que plusieurs, mais elle n’est pas de ceux qui n’ont rien vécu. C’est pourquoi, sans oublier, elle profite de la vie. Elle profite de ce soleil qui réchauffe sa peau. Elle profite des sourires des gens. Elle profite des repas qu’elle peut s’offrir. Elle profite de la musique qui lui parvient à ses oreilles. Elle profite des occasions de fêter.

Et parlant de fête.

Beltane était à leur porte et pour l’occasion, l’Arcelia avait jeté ses amarres pour profiter de l’événement. Certes, il y a probablement d’autres raisons sous-jacentes, mais la sirène ne connaît pas tous les plans de sa capitaine. Mais elle lui fait confiance alors elle se dit que c’est le parfait moment de s’amuser, de faire de nouvelles rencontres et peut-être même de croiser des gens dont ça fait un moment qu’elle a eu des nouvelles. La soirée à venir l’emballe et elle meurt d’envie de pouvoir danser et rire toute une soirée durant. Parce qu’elle le sait, la vie se compose de moments simples.

Par contre, le temps n’est pas encore à la fête, il y a du temps à tuer. C’est pourquoi elle se retrouve à se pavaner dans la ville, sourire tendre aux lèvres quand elle voit les enfants courir partout et les gens être de plus en plus préoccupé par Beltane. Elle jongle avec une pomme dans ses mains qu’elle s’est procuré un peu plus tôt, non décidée encore à croquer dans la chair du fruit. Si elle ne fait pas attention, elle pourrait bien briser l’enveloppe du fruit avec ses nombreuses bagues qui ornent ses doigts, mais c’est bien le dernier de ses soucis. En ce moment, elle se cherche davantage quelque chose à faire. Et la petite fête foraine lui semble être l’endroit parfait pour s'occuper l’esprit.

Les nombreux jeux d’adresse l’interpellent et elle s’arrête à quelques-uns. Si elle participe à un ou deux, elle s’assure aussi d’encourager certains participants avec d’autres parents. Il n’y a rien comme voir des sourires s’illuminer sur les visages d’enfants qui réussissent les épreuves et par moment, ça lui suffit à la princesse. Elle ignore combien de temps s’écoule, mais la noirceur commence doucement à envelopper la ville qui prend de nouvelles allures. Son regard se glisse partout dans l’espoir de capturer une image beaucoup plus globale de ce moment. Pourtant, ses prunelles contemple l’endroit, elles captent une silhouette qui lui ramène des souvenirs en tête. Suffisamment pour que ses sourcils se froncent et créent une fine ligne entre ceux-ci. Ça ne peut pas être vrai, ça ne peut pas être ça. Son esprit lui joue des tours.

Pourtant, la silhouette en suit une autre et cette fois, c’est la curiosité de Calyssa. Ses pas la mène sur le chemin de la jeune femme qui a attiré son attention. Elle les suit à distance raisonnable, mais lorsqu’une autre silhouette dont elle reconnait le blason s’infiltre dans le labyrinthe à la suite de la jeune femme, le sang de Calyssa ne fait qu’un tour. Sans savoir pourquoi son instinct lui commande de les suivre, craignant que quelque chose de mal se produise, elle se débarrasse de sa pomme en la donnant à quelqu’un sur son passage et s’invite à son tour dans le labyrinthe. Le problème exact de ces lieux c’est qu’il est difficile de trouver le bon chemin, mais pire encore de retrouver des personnes qui peuvent s’y cacher.

Discrètement et saluant profondément sa capacité à voir dans la brunante, Calyssa s’avance discrètement jusqu’à la confirmation de l’idée sombre qui lui taraude l’esprit. Elle voit l’air mauvais sur le visage de l’homme qu’elle suit lorsqu’il tourne le coin d’un passage. Un sourire qui pourrait lui faire froid dans le dos. L’adrénaline afflux à grande vitesse dans les vaisseaux sanguins de la princesse et elle presse le pas. Elle étire le pied pour faire un croc-en-jambe. Elle espère ainsi attirer possiblement l’attention de la jeune femme avec la chute lourde et inattendue de l’homme. “Oh pardon, je suis maladroite.” Elle fait mine de se redresser comme si elle venait de se prendre les pieds dans une roche. Elle voit le courroux que lui réserve l’homme de la garde qui tente de garder son équilibre, mais il ne lui fait pas peur. Calyssa est prête à se battre s’il le faut, rien que parce que ces hommes lui ont volé sa famille. Ce serait une belle façon d’obtenir une vengeance, bien qu’elle ne serait pas satisfaisante. Elle ne lui rendra pas ce qu’elle a perdu.

Calyssa double la vitesse de ses pas en passant à côté de l’homme en continuant de se pourfendre d’excuses qu’elle ne pense pas. Elle s’approche de la silhouette féminine qu’elle suivait d’abord et se racle faiblement la gorge pour s’annoncer. “Ça vous ennuie qu’on fasse une partie du labyrinthe à deux? Ce sera sans doute plus agréable à deux.” Et sans même lui demander son avis, elle enroule son bras dans le sien comme deux amies et elle l'entraîne sur un autre embranchement. “On vous suivait, je suis désolée, je pensais que ce serait mieux ainsi.” Et ce n’est que là qu’elle lève les yeux sur la jeune femme, alors qu’un sourire ornait ses lèvres, mais celui-ci vascille devant des traits qui hantent parfois ses nuits. Des traits qui ressemblent vachement à des images qu’elle a vu et qui ont parsemé sa jeunesse. Mais non, ça ne peut pas être ça. C’est son esprit qui lui joue des tours, elle en est convaincue. “Vous ressemblez à quelqu’un que j’ai connu. Vous êtes magnifique.” Elle plisse un peu le nez sachant qu’elle doit garder cette information pour elle, mais ça été plus fort que de raison. Elle balaye la main devant son corps pour faire comme si rien n’était. Pourtant, elles pouvaient encore voir l’homme qu’Anastasia suivait dans l’autre chemin, comme s’ils étaient parallèles. Son regard se porte aussi derrière elles tout en souhaitant que l’homme ne les poursuivent pas, mais des bruits lourds de pas semblaient vouloir tourner le même coin qu’elles. “Vous avez le sens de l’orientation pour sortir d’ici?”

Le hurlement du loup

Et dire qu’Anastasia avait laissé Kero chez sa belle-soeur où elle logeait depuis quelques jours pour lui épargner le stress de la foule… Le berger allemand profitait d’un grand jardin et était traité comme un roi par la maisonnée. Mais le fait est que la princesse aurait bien eu besoin de son aide sur ce coup là. Il était dressé à la protection et au combat, c’était son partenaire de traque. La belle n’avait pas imaginé avoir à se battre ce soir…
Oh, ça ne l’empêchait pas de se promener armée. Son épée, des couteaux, planqués dans la moitié des recoins de ses vêtements... Les habitudes de mercenaire avaient la vie dure. Des ennemis, elle en avait un peu partout, et c’était pire depuis qu’elle s’engageait dans la lutte contre les Ozova. Son secret commençait à s’étioler, la vérité, doucement, refaisait surface. Et ces shamans capables de lire dans les esprits n’arrangeaient pas sa paranoïa. Ce n’était pas contre les Ozova qu’elle avait un problème, ce soir, cependant, mais contre les Loups Blancs. Ils avaient hanté ses cauchemars pendant trente ans et l’un d’eux se tenait là, sous ses yeux…

Alors elle s’engagea dans le labyrinthe à pas de velours, laissant un peu d’avance au guerrier pour qu’il ne se doute de rien. Qu’elle le combatte de face ou porte un premier coup dans le dos n’avait pas d’importance, quel honneur avaient-ils eu eux-même en envahissant le palais de nuit et en répandant la mort sur leur passage ? La rage consumait son coeur et elle avait envie de le voir souffrir…

Du vacarme dans son dos la poussa à pivoter sur ses talons pour savoir qui se trouvait derrière elle… Et elle avisa sans mal la vue de l’homme au sol et de cette mystérieuse jeune femme à la beauté envoutante. Un deuxième Loup Blanc, identifia t-elle en voyant distinctement le blason. L’obscurité n’était pas un frein à sa vision, d’autant que quelques braseros sécurisés avaient été disposés de manière éparse pour offrir un petit éclairage nocturne.

Putain de merde ! D’où sortait-il ?! Comment avait-elle fait pour manquer autant de vigilance ? Elle perdait la main !

Et en quelques enjambées, la jeune femme fut sur elle et l’entrainait déjà vers une voie qui la détournait de sa première cible. Cela dit, l’intervention de ce second Loup changeait la donne. La garde personnelle de Katerina était composée de guerriers d’élites. Anastasia se sentait capable de faire face en un contre un,  mais un contre deux…

-D’accord… murmura Anastasia perplexe.

Son regard balaya l’inconnue à la recherche d’armes. Rien, que tchi. Bon sang…

Et elle lui expliquait tout à coup qu’elle avait remarqué qu’elle était suivie. Cette femme était le courage incarnée… Mais elle ne réalisait pas dans quel pétrin elle venait de se mettre. Pourquoi ce loup la suivait-elle au juste ? Avait-il vu qu’Anastasia traquait son camarade ? Ou bien s’agissait-il d’un homme présent à Fedja qui l’aurait reconnue ? Naïve, naïve qu’elle était ! Croire que le groupuscule s’était scindé après la mort de Katerina, que son adversaire s’était isolé, coupé des autres… Les loups blancs portaient bien leur nom, ils formaient visiblement un groupe soudé.

-Vous venez probablement de me sauver la vie… Mais vous vous mettez en grand danger, chuchota la princesse. Ces chiens chassent en meute et ils ne font preuve d’aucune pitié.

Anastasia ne pouvait impliquer une civile dans sa vendetta. Seule, elle se serait peut-être engagée dans la lutte malgré tout au risque de tout perdre, mais tout avait changé avec l’apparition de cette femme… La princesse ne pouvait sacrifier une innocente sur l’autel de sa vengeance.

“Vous ressemblez à quelqu’un que j’ai connu. Vous êtes magnifique.”

La brune se figea, interdite, et regarda sa bienfaitrice, stupéfaite. C’est elle qui disait ça ? Cette femme était parfaite en tout point, une beauté pure et sans artifice comme en trouvait tant chez les océanides. Cela ne signifiait rien en soit, il existait de très belles humaines… Mais quel drôle de moment pour choisir de complimenter quelqu’un ! Etait-ce la raison pour laquelle cette demoiselle avait choisi de lui venir en aide ? Car elle lui rappelait une proche ?

-Euh… Merci ? balbutia Anastasia qui guettait et se figeait, à chaque intersection, les oreilles aux aguets.

Des ballots de paille n’arrêtaient pas les sons mais ils limitaient la vue.
Anastasia tira son épée de son fourreau - juste au cas où et s’engagea sur un chemin à l’exact opposé de là d’où provenait le bruit. Le jeu du chat et de la souris. L’ancienne traqueuse devenait la proie…

-Si nous tombons sur eux, vous partez en courant dans la direction inverse, murmura la belle. Je ne pourrai pas combattre les Loups Blancs et vous protéger en même temps.

Pas s’ils se regroupaient et faisaient front. Anastasia glissa une main dans sa veste et en tira un couteau qu’elle tandis à la demoiselle.

-Prenez ça, utilisez le si nécessaire. Comment vous appelez vous ?

Codage par Libella sur Graphiorum

Calyssa se doute bien que son intervention est étrange et qu’elle semble venue de nulle part. C’est audible dans le ton de la jeune femme et franchement, si son esprit avait eu une meilleure idée que celle là, assurément qu’elle l’aurait saisie. Sans pouvoir s’en empêcher, la sirène lance un regard furtif par-dessus son épaule pour voir le Loup Blanc qu’elle a projeter au sol. Elles doivent impérativement presser le pas pour le semer ou du moins s’assurer qu’il ne les retrouve pas facilement. Après tout, dans un labyrinthe, ce n’est pas la chose la plus difficile de perdre les gens non?

Alors que son regard marbré revient sur la demoiselle à son bras, elle sent son regard glisser contre elle. Un léger pli se forme entre ses sourcils, mais elle ne dit rien. Que peut-elle vraiment dire. Elles ne se connaissent pas, Calyssa est arrivée de nulle part en mode chevalier. Est-ce que la jeune femme savait à quel point elle pouvait être dans de beaux draps? Pourquoi est-ce que ce Loup courait après elle? Des tonnes et des tonnes de questions emplissent son cerveau. Elle n’aura sans doute jamais le temps de toutes les poser sans passer pour une détraquée, mais à son habitude, son regard se voile de curiosité à l’égard de la jeune femme.

Un sourire sincère étire les lèvres de la princesse déchue. Probablement qu’il s’y mêle une pointe d’empathie, mais elle hausse un épaule pour balayer les paroles de sa partenaire de labyrinthe. Elle n’en est pas à sa première confrontation avec des gens dangereux. Calyssa en côtoie beaucoup plus que ne laisse présager son apparence. Derrière tous ces sourires et toutes ces jolies attentions dont elle couvre les autres, se cache des démons beaucoup plus importants. C’est simplement un choix qu’elle a fait, tenter de voir le meilleur dans les autres et surtout de venir en aide à ceux qui sont dans le besoin. “Ne vous inquiétez pas, je sais ce que j’ai fait.” La douceur dans son ton de voix en palpable. “Je préférais vous sauvez la vie, surtout que vous ne semblez pas avoir vu que vous étiez suivi. C’est très lâche de leur part.” Et ça fait bouillir en elle une certaine colère. Une colère qu’elle ne parvient pas à éteindre parce qu’elle hante sa vie depuis trente ans. “Ne vous en faites pas pour moi, voulez-vous.”

Un certain amusement se glisse sur les traits de la princesse alors que son commentaire sur la beauté surprend sa nouvelle connaissance. Prenant tantôt à droite, tantôt à gauche, elles engloutissent plusieurs mètres du labyrinthe, sans jamais pour autant se montrer distraites. Visiblement, elles savent toutes les deux ce qu’elles courent dans cet endroit. Au bout de quelques détours, Calyssa relâche le bras de sa compagne pour pouvoir bouger plus librement. Après tout, ce ne serait pas pratique de se faire tomber dessus ainsi. Son regard capte du mouvement sur la gauche et si elle observe précisément un endroit, elle se permet de respirer en comprenant qu’il ne s’agit pas là d’un assaillant, mais d’un simple participant. Puis elle voit l’éclat de la lame qui brille sous la torche qui est accrochée non loin. Probablement qu’il serait plus prudent si elle sortait ses propres armes. Question d’être prête à l’attaque.

Ses paupières papillonnent doucement alors que ses oreilles captent le message de la brune. Un sourire en coin légèrement amusé perce son visage et c’est plus fort qu’elle, elle secoue la tête. “Je n’ai pas besoin que vous me défendiez comme ça, je sais le faire. Et s’ils vous tombent à deux dessus, le combat sera beaucoup plus égal si nous sommes deux. Vous l’avez dit vous-mêmes, ils n’ont aucune pitié.” La détermination prend place dans le regard de la princesse alors qu’elle termine sa phrase. Elle ne laissera personne affronter ses ordures seule. C’est en dehors de ses valeurs. Et puis, Calyssa a toujours accès à ses pouvoirs s’ils venaient à être nécessaire. Sa main se tend pour prendre la lame que lui tend la jeune femme, taisant qu’elle en a de dissimulée dans ses bottes. Elle se dit qu’ainsi elle calmera l’esprit de la jeune femme. Soupesant la lame d’une main, elle continue de s’avancer avant d’étirer un sourire ravi malgré les circonstances. “Je me nomme Calyssa. Et vous?” Elle avait été incapable d'accepter de changer de nom, refusant de cacher son héritage, mais pour cela, fallait tout de même qu'on sache qui elle était. Après tout, elle n'était qu'une enfant quand le drame c'était produit.

Pourtant, un bruit dans leur dos lui fait faire volte-face avant de voir un adolescent éclater de rire derrière eux, visiblement content de l’avoir fait paniqué. La sirène plisse le nez avec l’envie de lui balancer son pied en plein thorax pour lui faire payer cette crainte, les battements de son cœur ayant pris un rythme effréné. P’tit con. Sans doute qu’en d’autres circonstances, elle aurait trouvé l’intervention drôle, mais là… Pourtant, une lueur suspecte apparaît au bout du chemin, derrière le gamin. “Prenons à gauche ici.” On pouvait commencer à voir les chemins qui sont davantage empruntés que les autres. Mais c’était surtout dans l’optique de ne pas être surpris de dos par les Loups qu’elle voulait emprunter ce chemin. Bon après…. c’est un peu lancé au hasard puisqu’elle n’a jamais fait le parcours, elle ne pouvait que souhaiter qu’elles ne tombent pas dans un cul-de-sac. “Vous êtes à Temerys pour les Feux? Vous y êtes déjà venue auparavant?”

Le hurlement du loup

Oh oui c’était vraiment lâche de suivre quelqu’un discrètement… Ahum. La princesse allait peut-être s'abstenir de dire qu’elle avait initié la chasse. Le sang-froid de la dame avait quelque chose de déroutant. Soit elle sous-estimait les forces adverses, soit elle cachait bien son jeu. Dans le second cas, elle ne misait vraisemblablement pas ses forces sur son armement… Alors quoi ? La magie ? Avoir une shaman ou une océanide pour alliée serait un vrai atout au vu de la tournure des événements.

Anastasia lui jeta un regard curieux alors que la belle donnait l’impression de parfaitement savoir à qui elle avait affaire. Cela devenait franchement intriguant. Qui pouvait bien être cette mystérieuse et magnifique créature quasiment tombée du ciel pour lui venir en aide ?

-Et de quel genre de force disposez-vous ? demanda la princesse avec curiosité.

Arrogance ou réalité ? Pouvait-elle compter sur elle ?

-Caly… souffla t-elle surprise.

Les sourcils de la brune se froncèrent et elle jeta un regard perturbé en direction de la belle. Une émotion rapidement éclipsée, elle reprit son masque de vigilance et reporta son attention autour d’elles.

-C’est un prénom peu commun, Calyssa… reprit Anastasia, plus calmement. Royal… ajouta-t-elle dans un murmure réflexif.

Comment ne pas penser à sa tante supposément décédée, à sa mère, sa famille maternelle massacrée ? A son oncle, récemment retrouvé par le plus miraculeux des hasard…

-Sariah.

Anastasia se retourna brusquement en garde, épée levée, et soupira en voyant l’adolescent s'esclaffer. C’était un échec sur toute la ligne. Non seulement elle n’avait pu espionner le premier Loup Blanc pour savoir ce qu’il faisait ici, mais en plus elles étaient repérées. Si un combat s’engageait, les promeneurs risquaient d’être pris entre deux feux… L’adolescent tourna au détour d’un autre chemin, elle l’entendit piaffer avec d’autres jeunes.

-J’ai épousé un Temeryen, mais j’ai moins côtoyé cette partie du pays. Je suis venue profiter des feux, voir quelques amis…

C’était la plus plate vérité… Bien qu’elle manqua fort de détails. Elle était ici pour provoquer une rencontre et tenter un rapprochement avec l’une des figures les plus puissantes du duché. Une ancienne connaissance, un homme qu’elle respectait : Avitus Carrery. Elle en profitait au passage pour passer du temps avec son ex belle-soeur et espérait revoir Levanah qu’elle savait désormais fiancée à l’héritier ducal. La politique guidait ses pas bien plus que le tourisme. La belle était pourtant heureuse de revoir certains proches qu’elle avait délaissé ces derniers mois.

-Vous connaissez les Loups Blancs ? demanda-t-elle en l’interrogeant du regard pour sonder sa réaction.

Elle n’avait pas le temps de s’encombrer de politesse, elle devait savoir qui était cette femme et les motivations qui la guidaient réellement ici.

La princesse grogna en réalisant qu’elle venait de tomber sur un cul de sac.

-Changement de plan. Je vous fais la courte échelle, on tente de passer par le haut.

Les ballots de paille pouvaient être escaladés, ils supporteraient leur poids. Restait à être suffisamment agile pour pouvoir sauter de botte en botte jusqu’à quitter cet endroit. Si ce n’était pas possible, elles verraient la direction de la sortie… Même si c’était aussi donner une chance à leurs ennemis de les repérer.

Un craquement fit tourner la tête à la princesse.

Un Loup Blanc. Il n’avait pas tardé… Anastasia se retourna et se mit en garde.

Calyssa avait-elle eu le temps de grimper ?

-Tu es la fille de la Citadelle… raisonna la voix grave du soldat. L’alliée de cet homme.

“Vaelyre”, traduit mentalement Anastasia. L’assassin de leur tante.
Elle avait reconnu le soldat et visiblement, lui aussi avait imprimé son visage.

-Ca fait quoi de voir sa maîtresse mourir ? s’enquit la princesse avec un sourire provocateur. Dire que Katerina vous appelait “l’élite”…

Une bien petite vengeance après ce que ces hommes lui avaient fait. Ceci étant, provoquer l’ire d’un adversaire pouvait le pousser à commettre des erreurs, ce qui ne manqua pas. L’homme hurla de rage et chargea.

Un terrain bien peu propice aux combats, ils allaient se marcher sur les pieds les uns les autres. Il allait pourtant falloir composer avec.


@Calyssa Teahui

Codage par Libella sur Graphiorum

L'œil pétillant de malice, Calyssa hésite sur la réponse qu’elle peut donner à sa compagne. L’idée n’étant pas de trahir ce qu’elle est jusqu’au plus profond de son ADN, mais il est vrai qu’elle est visiblement peu armée. C’est beau avoir de la confiance en soi, mais il ne faut tout de même pas en déborder à ce point. La prudence reste de mise dans une situation aussi précaire que la leur. La princesse vint à vouloir ouvrir les lèvres pour lui répondre, mais elle les referme presque aussitôt, les pinçant entre elles. Cette fois, la malice laisse place à une profonde curiosité dans ses prunelles. Son cœur manque un battement, peut-être deux quand elle craint de s’être trahie de son propre prénom. Forcément, Calyssa n’est pas celui qui est le plus commun dans l’Archipel. Elle n’en a jamais croisé une autre. Mais de là à voir que sa compagne désigne son nom comme royal, il y a quelque chose de dérangeant. Une réalité qu’il lui faut maintenant envisager. Son identité royale étant tenue sous le silence depuis si longtemps, il faut qu’une personne soit bien renseignée sur l’histoire pour connaître son nom. Après tout, ce n’était qu’une enfant quand la bataille à exploser. Ou peut-être n’est-elle qu’en train de se faire des peurs toute seule, à se faire des idées dans un esprit dont l’imagination déborde de tous les sens. “J’avoue que j’aime mon prénom.” Elle tire plutôt un sourire doux, dissimulant son malaise sous ce sourire. Son prénom, elle a toujours refusé de le changer malgré les demandes récurrentes de son frère. Pour Casteel, il était limpide que ce devait être fait, par sécurité. Pour la princesse, c’était trahir son héritage, c’était faire faux bond à tout ce qu’elle était et c’était dire adieu à sa famille défunte. Ce choix était le leur et elle comptait bien arborer fièrement son prénom. Qu’en dise Rhyse. “Vous avez un joli prénom vous aussi!” C’est vrai quoi, c’est mignon Sariah.

Son histoire fait hocher la tête de la sirène et ne suscite pas de questionnements autres chez la princesse. Après tout, le simple fait d’avoir épousé un homme du coin et vouloir rendre visite à des amis, c’est tout ce qui est de plus normal. Évidemment, une certaine suspicion involontaire restait dans le cœur de l’océanide. Rien que parce qu’elle trouve la ressemblance de cette femme avec les portraits de sa défunte sœurs importantes, mais aussi pour le simple fait d’avoir évoqué ce qualificatif à son prénom. Elle aimerait vraiment que cela cesse de tourmenter son esprit puisqu’en ce moment, ce n’est clairement pas le moment. “Votre famille n’avait pas envie de profiter du labyrinthe?” Forcément, ce n’est sans doute pas le moment de faire une discussion aussi banale, mais c’est toujours mieux de s’occuper l’esprit tout en gardant ses réflexes actifs.

Arme à la main, Calyssa mord dans ses joues et épie le vide pendant quelques secondes avant de retourner ses prunelles ambrées sur la jeune femme. Évidemment, lui répondre risque encore une fois de la trahir, mais en même temps, les gardes des Ozova sont réputés pour la terreur qu’ils sèment. La princesse n’a jamais eu affaire contre l’un d’entre eux, mais les récits qu’elle a pu entendre ici et là lui ont fait presque froid dans le dos. Seulement, ce n’est pas ce qui l’arrêtera de venir en aide à Sariah, ni même encore d’en affronter un si son identité venait un jour à être dévoilée et qu’on en envoyait un à ses trousses. “J’en ai entendu parler surtout. Mais on dit que ce sont ceux qui ont décimés une partie de ma famille alors, je ne les porte pas plus que cela dans mon cœur.” Une moue se dessine sur ses lèvres, mais elle ne s’attarde pas longtemps, chassée par la sirène qui refuse de s’apitoyer sur son sort. Après tout, le faire n’arrangera jamais la chose. Elle ne leur fera pas la chasse volontairement pour l’instant, mais si elle les croise, elle ne dit pas qu’elle restera de marbre devant ces chiens.

Devant le cul de sac, Calyssa pivote sur ses pieds pour observer le chemin dont elles venaient. C’était comme si son souhait de ne pas tomber sur un chemin ne menant nulle part n’avait pas été entendu. Son nez se plisse de frustration, constatant que leurs options sont minces. Elle hoche la tête et s’apprête à prendre appui contre la jeune femme après avoir passé l’arme dans sa ceinture, se promettant de l’aider ensuite à escalader les ballots quand le crac stoppe les battements de son cœur. Quelques secondes, mais ce n’est que le précurseur d’un rythme effréné en voyant une silhouette masculine se dresser devant elle. Franchement, elles manquaient de chance que le Loup Blanc ne se soit pas perdu en cours de route.

Adoptant une position de combat, les sourcils de la sirène se froncent, créant un petit pli entre eux deux. Des questions se bousculent sous son crâne, mais il est définitivement plus le temps à la discussion. Elle ressort l’arme de sa ceinture et se tient prête, tous muscles bandés pour passer à l’attaque au moment opportun. Si elles pouvaient ne faire qu’une entaille, ce serait parfait pour le vider de son sang. Ou encore, il faudrait qu’il y ait un petit filet d’eau à proximité, elle pourrait en profiter pour faire un projectile et leur faire ainsi gagner de précieuse seconde pour une fuite. Mais ainsi à deux contre un, elles ont une chance. Calyssa en est persuadée.

Cependant, un trouble se pointe le bout de son nez dans les iris de la princesse océanide. Elle meurt d’envie de dévisager Sariah, mais elle ne peut se le permettre. Elle se réserve ses questions pour plus tard parce qu’aussitôt l’homme charge avec son cri de guerre. Ce n’est pas une surprise, mais l’endroit, ce petit cul-de-sac est très peu agréable pour combattre. Calyssa s’écarte d’un bond et tend le pied pour tenter de faire tomber leur adversaire, profitant que sa rage soit surtout dirigée à l’endroit de sa compagne. Tout ce qu’elle espère maintenant c’est que le second ne leur tombera pas dessus. Faisant attention pour ne pas atteindre la jeune femme à ses côtés, Calyssa charge l’homme à son tour pour le déborder, affaiblir sa vigilance, n’importe quoi pour leur ouvrir une porte d’accès. Mais l’homme est solide et il sait bien se couvrir. Ils ne sont pas des guerriers d’élite pour rien. Elles doivent conjuguer leurs efforts. Alors Calyssa attend l’espace d’une seconde pour pouvoir se mettre à frapper en même temps que Sariah. “Trouvez une façon de lui entailler la peau.” S’il lui faut dévoiler son secret pour qu’elles sortent les deux en vie, tout ce qu’elle espère c’est que ce ne soit pas une traître elle-même…

Le hurlement du loup

-Ma famille ? interrogea Anastasia avant de faire le lien avec ce qu’elle avait dit précédemment.

Cette jeune femme devait penser qu’elle était venu à Khesa avec son foyer pour profiter des festivités. Ce n’était pas complètement faux en un sens, la princesse était bien venue avec son frère et logeait quelques jours chez son ex belle-sœur et amie, Eryn Asygar. Mais ce n’était pas avec eux qu’elle était venue se promener dans cette fête foraine et elle ne s’était certainement pas aventurée dans ce labyrinthe pour le plaisir de se perdre… Calyssa ne l’avait donc pas encore compris, que la proie chassait le chasseur et que le chasseur était devenu la proie ?

-Non, répondit-elle avec un sourire fugace.

Non…
Il n’y avait plus vraiment de famille aujourd’hui, pas au sens où Calyssa devait l’entendre. Des liens de sang retrouvés récemment, de nouvelles affinités qui essayaient tout doucement de se créer au milieu du tumulte des divergences de personnalités, de visions et de cette maudite guerre… Son mari et son fils étaient enterrés dans l’Orage, loin d’ici. Son foyer, elle l’avait laissé derrière elle, niché dans un tas de cendres - son cœur, brûlé en profondeur, ravagé.

Anastasia leva un regard nouveau vers sa voisine.

-Vous êtes originaire de Fedja ?

Pourquoi la garde de Katerina aurait-elle décimé sa famille si cette dernière ne comptait pas de membre océanide, hybride, ou n’avait été partisante de l’ancien roi de l’archipel ? L’incident avait pu survenir après Anevine, au cours des décennies suivantes, mais sa voisine n’avait visiblement pas été témoin de la chose, c’est donc que l’événement remontait à trop loin pour sa mémoire ou qu’elle se trouvait géographiquement à bonne distance de la tuerie…

Au vu de la confiance en soi de Calyssa alors qu’elle ne portait pas d’arme et ce qu’elle venait de lui révéler, Anastasia songeait qu’elle avait peut-être affaire à une océanide. Leurs pouvoirs étaient puissants, quand ils savaient s’en servir. Dévastateurs en mer, mais aussi redoutable sur la terre ferme - la belle en avait été témoin en quelques occasions.

Une océanide qui répondait au nom de Calyssa et qui aurait perdu une partie de sa famille à cause de Katerina…

Le doute s'immisçait doucement en Ana. Trop, beaucoup trop de coïncidences. Rhyse avait survécu, se pouvait-il que… ?

Le Loup Blanc qui se présenta mit un terme brutal à ses réflexions, ainsi qu’à la tentative d’escalade de la jolie blonde.

Le combat s’engagea en terrain étroit, une situation complexe qui laissait peu de liberté de mouvement. Elle était vive et vindicative, la belle Calyssa, redoutable et sans peur. Leur adversaire était coriace et avait du répondant.

Une façon de lui entailler la peau ? Mais pourquoi faire ?
Si seulement elles pouvaient se positionner pour le prendre en tenaille, elles auraient définitivement tout gagné…

L’épée du Loup passa à un cheveux de la jugulaire de la princesse qui bondit en arrière et fléchit ses jambes. Sa propre épée dansa et traça un sillon sanglant sur la cuisse de son adversaire.

-Allez ! s'exclama Anastasia sans avoir la moindre idée de ce que comptait faire Calyssa.

Et maintenant ?


@Calyssa Teahui

Codage par Libella sur Graphiorum

Avait-elle fait une gaffe sans même le vouloir? Les prunelles de Calyssa scrutent celui de Sariah en cherchant où elle peut avoir fait une bévue. Sa langue se faufile sur ses lèvres pour les humidifier en étirant un petit sourire en coin tout en hochant la tête. Si elle a trouvé étrange qu’une jeune femme seule pénètre dans le labyrinthe, elle en avait fait la déduction que sa bande était entrée avant et qu’elle allait les rejoindre. Probablement à tord vu ce qui se passait présentement et vu comment elle était poursuivie par ce Loup Blanc. « J’ai cru que vous rejoigniez quelqu’un tout à l’heure. Peut-être un ami ou de la famille que vous vouliez effrayer, j’ai mal interprété la situation. Pardonnez-moi. » Toujours est-il qu’elle n’a pas voulu la laisser affronter le second homme seule et c’était ce qui l’avait poussé à s’infiltrer dans le labyrinthe à son tour. Calyssa, à l’image d’un preux chevalier… l’image pourrait presque être rigolote alors qu’on la sous-estime constamment.

Si la princesse montrait une allure à peu près détendue, son esprit n’en était qu’une piètre copie. Il roulait à cent à l’heure, analysant les couloirs dans lesquels elles bifurquaient, les gens qu’elles croisaient de temps à autre. Elle tend les oreilles pour capter plus d’informations, tentant de savoir où peut se trouver leur assaillant parce qu’elle n’en doute pas, après avoir fait ce croche-pied à cet homme, elle lui est aussi tombée dans le collimateur. « Non, je suis née près de Ka’Hauni. » Ce n’est qu’un demi-mensonge, non? Cette île est la plus près de la Baie des sirènes qui l’a vu naître. Une île absolument magnifique à ses yeux. Adolescente, elle avait été plus que ravie de retrouver la surface avec les siens et ainsi découvrir les merveilles que la terre avait à lui offrir. Mais l’île lui est tout aussi magnifique parce qu’elle est beaucoup plus pacifique que les autres et que la température y est si clémente versus d’autres îles. Alors non, elle juge que ce n’est pas lui mentir que de dire qu’elle est née près de Ka’Hauni, sans pour autant lui avouer qu’elle est née dans les profondeurs de l’eau adjacente. Elle ne sait pas encore si elle peut totalement faire confiance à la jeune femme et surtout, son opinion contre les êtres marins.

Mais c’est aussi que même si le moment aurait pu être propice aux confidences, le Loup Blanc en avait décidé autrement, forçant ce trio à engager le combat. L’endroit exiguë rendait les coups difficiles à porter et les parades encore plus compliquées, mais ce qui agite aussi l’esprit de la sirène sont tous les innocents qui risquent de se joindre à eux dans ce petit coin reclus du labyrinthe. Si seulement ils pouvaient fermer cette partie afin de s’assurer que tous restent en sécurité.

Sa concentration est extrême sur ce qui se passe. Elle ne manque pas de voir la lame qui risque d’entailler la peau de la jeune femme et ça lui fait bouillir le sang dans les veines un peu plus. Elle double d’ardeur au combat surtout pour détourner l’attention de l’homme. Mais que lui a fait Sariah pour qu’il semble autant en rogne contre elle? C’est incompréhensible, mais elle ne permettra pas qu’on s’en prenne à elle. Calyssa s’en fait la promesse alors elle s’occupe de surcharger l’homme pris entre deux feux. De toute façon, une ordure comme lui en moins sur l’Archipel, ce ne serait pas pour faire de mal à personne.

C’est l’éclat de la voix de Sariah qui active la sirène. Elle abaisse le regard contre la blessure qui est infligé au garde et si elle sait que la scène sera glauque, que les gens qui viendront dans ce coin du labyrinthe prendront peur et hurleront sans doute leurs tripes, elle sait aussi que c’est la façon la plus simple de gagner son combat. Tant pis pour son identité qu’elle a tenté de garder jusqu’à maintenant. Elle se concentre sur le liquide carmin afin de le faire couler en grande quantité par la blessure. Une odeur de fer remplit le petit cul-de-sac et l’homme pâlit à vue d’œil. Ses forces le quittent alors qu’un air hébété se forme sur ses traits. Calyssa arbore un air sévère, n’étant pas forcément de ceux qui aime faire des carnages, mais qui ne se laissera pas bêtement tuer pour le plaisir de ne pas vouloir blesser autrui. De toute façon, cet homme ne doit avoir absolument aucun remords pour le tort qu’il a déjà causé par le passé. La sirène ce dit que c’est un juste retour du balancier maintenant.

L’homme s’écroule inconscient et Calyssa pousse un soupir tout en relevant les yeux autour d’elles pour voir qui a vu le spectacle. Mais elle ne peut pas vraiment prendre de chance qu’elles soient associées à ce qui vient de se passer. La princesse s’approche de lui et le pousse du bout de sa botte et voyant qu’il ne semble pas réagir plus que cela, elle saisit le manteau de l’homme pour le tirer hors du sentier et le l’appuyer contre un ballot. Quelqu’un finira par le retrouver, peut-être dû à l’odeur qu’il viendra à dégager, mais il leur faut impérativement quitter ce lieu. « Grimpons et quittons le labyrinthe! » Cette fois, c’est elle qui s’impose et qui tend les mains devant elle pour faire la courte-échelle à Sariah. Elles auront sans doute le loisir de discuter plus tard, mais pour tout de suite, il faut qu’elles mettent le plus de distance possible.

Le hurlement du loup

Elle était d’une grande empathie, cette jeune femme. Elle avait perçu son trouble en quelques instants et culpabilisait d’avoir - du moins Ana l’interprêtait ainsi- commis une erreur.

-Ce n’est rien, répondit la princesse avec un fin sourire.

Comment se renfrogner devant une femme capable de s’excuser si facilement d’une chose qu’elle ne comprenait pas et pour laquelle elle n’était pas responsable ?

-J’ai perdu mon époux, mais j’ai quelques proches ici. Mais non… Je suis venue seule dans le labyrinthe. En fait, j’ai repéré un visage connu, quelqu’un de mauvais… Pas le genre à aller jouer dans une fête foraine. J’ai eu peur qu’il prépare un mauvais coup, je voulais m’assurer de ses intentions.

C’était avoué, elle avait suivi un homme et s’était faite repérée par un de ses complices  dans la foulée. Allez donc savoir pourquoi la princesse racontait tout ça à cette étrangère ? Ces informations, elle aurait pu les garder pour elle, elle n’avait pas à se justifier de ses actes après tout… La bienveillance que dégageait Calyssa lui donnait envie de faire confiance. Cette jeune femme était intriguante en tout point, elle soulevait tant de questions dans l’esprit d’Ana…

Lorsqu’elles se retrouvèrent en mêlée, la princesse eut la surprise de voir les pouvoirs de la jolie blonde à l’oeuvre et le mystère s’épaissit un peu plus. Anastasia aida la belle à traîner le corps pour le cacher et entreprit de le fouiller rapidement à la recherche d'informations. Tout ce qu’elle trouva, elle le fourra dans ses poches pour l’examiner plus tard. Elle ne pouvait qu’être d’accord avec Calyssa, il était temps de mettre les voiles même si la perspective de tourner le dos à sa  vengeance lui faisait mal. Un autre Loup Blanc marchait quelque part dans ce labyrinthe…

Elle prit appui sur les mains de Calyssa, se hissa puis se pencha pour aider la demoiselle à grimper. En quelques bonds, elles rejoignirent les bordures puis descendirent. Il n’y eut plus qu’à courir dans l’obscurité ensuite, s’éloigner de l’attraction et se mêler à la foule l’air de rien… Ce n'était pas difficile, il y avait du monde partout à l’approche des Feux de Beltane.

Ce ne fut qu’après un long moment qu’Anastasia finit par ralentir le pas pour se diriger vers un morceau de plage peu fréquenté.

Elles devaient parler… Et le fait que Calyssa l’ait suivi lui laissait entendre que sa voisine en pensait autant à son sujet.

-Vu tes pouvoirs, tu es une shaman de l’opale blanche… Ou une océanide, dit-elle à voix basse.

Elle se retourna pour faire face à la belle. Il était temps de communiquer… Et de vérifier ses hypothèses. Le coeur d’Anastasia se mit à battre à un rythme effréné qui n’avait rien à voir avec la course qu’elles venaient de faire.

-Tu es une sirène, n’est-ce pas ?

De l’espoir. Trop d’agitation dans sa tête, Anastasia avait du mal à mettre de l’ordre dans ses pensées.

-Est-ce que tu viens de la Baie des sirènes ?

“Près de Ka’hauni”, avait-elle dit. Avec tous les autres éléments qui s’assemblaient, c’était presque un début d’aveux.

-Je suis Fedjenne.

De cela, Anastasia ne parlait jamais. Quand on lui posait des questions sur ses origines, elle se contentait de dire qu’elle avait grandi à Ka’hauni, ce qui était techniquement vrai. De ses quatre à treize ans, pour être exact. Il lui fallait prendre le risque de se dévoiler pourtant, si elle voulait que sa voisine tombe le masque elle aussi.

-Ma mère a été assassinée là-bas, par des puristes qui ne toléraient pas l’idée d’un mariage mixte. J’ai été séparée de ma famille, je les ai cru tous morts pendant longtemps…

La brune glissa ses mains derrière son cou pour détacher sa médaille, l’un des nombreux colliers qui ornaient son cou. Elle l’ouvrit et le tendit à belle pour lui montrer un portrait miniature de ses parents, le roi Vadyslas et la reine consort Byria, princesse des océanides.

-Est-ce que tu reconnais cette femme, Calyssa ?

Doucement, Anastasia tira sur le pan gauche de sa chemise pour dévoiler une partie de sa poitrine et la moitié du tatouage qui s’y trouvait. Un croissant de lune, l'emblème des Sovevna. Tous les membres de la famille le portaient à l’âge de six ans. Une tradition qu’elle avait tenue à reproduire malgré la tragédie qui avait frappé sa famille.

-Est-ce que tu connais la signification de ce dessin ?


@Calyssa Teahui

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Ravie de ne pas avoir créer un précédent avec la jeune femme qui l’accompagne dans le labyrinthe, la princesse lui adresse un sourire qui trahi son sentiment. Après tout, Calyssa n’est pas une personne malveillante, elle a même probablement trop d’empathie pour son propre bien. On lui a souvent affirmé qu’un jour ça lui jouerait de mauvais tours, mais elle n’avait pas encore vu ce jour arriver. C’est sans compter que la sirène reste convaincue que de faire preuve d’empathie n’est pas un défaut. L’archipel en manque cruellement et si elle ne croit pas que tout le monde est foncièrement bon – preuves à l’appui, il faut le dire – elle croit tout de même que plusieurs peuvent se repentir et avoir une seconde chance. Pas tout le monde, mais plusieurs.

Mouais… peut-être que ça la perdra finalement.

Calyssa tente au maximum de dissimuler la surprise puis une certaine tristesse à l’égard de Sariah. C’était tout bonnement horrible. Aucun être humain ne devrait vivre la perte d’un être cher si ce n’est pas de cause naturelle, mais même encore de cause naturelle, la douleur n’est pas moins grande. Visant qu’elle a à peu près son âge, Calyssa se demande bien ce qui a pu faire en sorte qu’elle ait perdu son époux. Sariah n’avait tout de même pas épousé un vieil homme de quatre-vingts années passées? Elle n’y croyait pas. « Je suis désolée pour vous. » Elle ne pouvait rien dire ou faire de plus. Peut-être aurait-elle pu ou même du ne rien dire du tout, mais comme ce n’est pas codé dans ses gênes… L’empathie a pris le dessus, encore une fois. Et tout le reste passe directement à la trappe vu comment leur soirée semblait se dérouler dans cette fuite improbable dans le labyrinthe.

Et ce combat improbable.

Les voilà à fuir le labyrinthe par le dessus et non pas par les multiples couloirs, mais c’est qu’elles ont une bonne raison de fuir. Il ne faut absolument pas que le second leur tombe dessus. Peut-être rendraient-elles service à tout le monde si elles le traquaient à deux, mais c’est aussi lancé un coup de dés à savoir si elles s’en sortiraient sans attirer l’attention des autorités. Et pour cela, Calyssa n’est pas prête à laisser tomber sa liberté. Déjà que leur façon de sortir du lieu est peu conventionnelle et qu’elle attire l’attention de ceux qui sont près, ce n’est pas la subtilité rêvée, mais c’est la rapidité souhaitée.

Sautant au sol depuis le haut du ballot, Calyssa se réceptionne souplement au sol et entreprend de courir dans la noirceur. Par chance, ce n’est pas un obstacle pour elle et elle parvient à éviter tous les objets qui se présentent sur sa route, mais avise-t-elle qu’il en est de même pour Sariah. Soit elle est vraiment habile, soit ça devient d’autant plus intéressant cette rencontre. Le personnage l’intrigue complètement, sans parvenir à expliquer son besoin de rester près d’elle et de s’assurer qu’elle rentre saine et sauve chez elle. Peut-être est-ce la ressemblance avec les portraits de Byria…

Le souffle court sous la course qui les propulse loin du labyrinthe, la sirène pose ses mains contre ses hanches en cherchant à calmer son rythme cardiaque. Sa posture pivote d’abord là d’où elle vienne, se demandant irrémédiablement quand on trouvera la dépouille du Loup Blanc. Est-ce que les gens pourront faire le lien avec elles? Calyssa en doute fortement. Elle prête un peu plus attention à ce qui les entoure et elle est soulagée de savoir la plage tout près. Au besoin, la fuite serait d’autant plus facile pour elle.

La princesse déchue soulève ses iris contre Sariah quand elle se retourne pour la fixer. Ses dents s’enfoncent doucement dans sa joue alors qu’elle juge ce qu’elle doit répondre. C’était définitif que son interlocutrice ferait les bonnes déductions. Qui est capable de vider quelqu’un de son sang ainsi? Son cœur se comprime doucement dans sa cage thoracique. Et si Sariah était contre les personnes comme elle? Ce ne serait pas la première qu’elle croiserait, mais elle en serait déçue. Elle ne saurait dire pourquoi.

Il pourrait paraître grossier de garder le silence aussi longtemps, mais les questions de Sariah s’enchaînent. Et Calyssa n’ose pas encore l’interrompre. Mais alors que les interrogations pleuvent, une information s'échappe aussi. Une Fedjenne. Quelles sont les chances? Le regard de la sirène se plisse sous l’aveu et elle détaille un peu plus le portrait frappant. Ce pourrait-il? Ely avait bien survécu après tout. Elle le sait, ils s’offrent des gâteaux à leur anniversaire… En serait-il pareil pour Anastasia?

Mère assassinée par des puristes… Un mariage mixte… Les pièce du puzzle s’emboitent trop bien pour que ce ne soit qu’une coïncidence. Et si on tentait plutôt de la coincer? Ses iris dévisagent ceux devant elle. Non, elle ne peut y croire. Prudente devant les mouvements de la brunette devant elle, Calyssa étire le cou pour observer le portrait qui prend place dans le bijou de la femme. Et son souffle se coupe, sa posture tangue doucement. C’est impossible. « Byria… »

Sa main se tend pour saisir le bijou et elle observe le portrait de sa sœur. Elle était si belle. Un mince sourire étire les lèvres de la sirène qui ne soulève les yeux qu’en entendant le froissement des vêtements de Sariah qui se soulève. L’émotion lui monte dans la gorge et l’étrangle. Le destin à souvent tendance à se jouer des humains. La princesse cligne plusieurs fois des paupières pour tenter de chasser l’émotion qui monte doucement à ses prunelles. Elle se racle doucement la gorge pour éclaircir sa voix. Il faudrait tellement qu’elle ne succombe pas et pourtant… Calyssa hoche la tête.

Il est temps d’avouer. Elle le sait. Et soit que la fille devant elle est bonne comédienne, soit qu'elle est réellement sa nièce. Au fond d’elle-même Calyssa ne peut concevoir cette première option. Alors elle glisse sa langue sur ses lèvres et se force à prendre une grande inspiration. « La marque d’une famille qui n’existe plus… » Sa voix lui semble presque étrangère, même pour elle. Un peu plus rauque, embuée d’une émotion. Pour se redonner constance, elle déplie à nouveau son bras pour rendre le portrait à Sariah, qui ne s’appelle sans doute pas ainsi. « Je suis en effet une sirène de la Baie des Sirènes. » Elle soulève le menton parce qu’elle est fière de ses origines. Si Rhyse a toujours souhaité qu’elle change de nom et qu’elle mente sur ses origines, Calyssa n’a jamais pu s’y résoudre. Ses racines sont là, elles sont toujours vivantes malgré ce qu’on tente de faire croire. « Tu as survécu… » C’est si difficile à croire et pourtant, elle se trouve devant elle. Elles sont toutes deux des survivantes, à des échelles différentes. Là où Calyssa avait survécu à des bombardements, Anastasia avait survécu à un assassinat. Sans vraiment pouvoir le retenir, la sirène s'élance pour la prendre dans ses bras. C'était comme un besoin vital qu'elle a besoin de combler. « Comment..? Comment as-tu réussi à te sauver? »

Le hurlement du loup

Le coeur d’Anastasia se comprima dans sa poitrine. Le nom de sa mère s’était échappé des lèvres de l’étrangère. La brune venait de prendre tous les risques en dévoilant des informations secrètes sur elle pour la forcer à tomber le masque… Des hypothèses qu’elle voulait vérifier…

Son pari s’avérait payant et jamais elle n’avait été aussi heureuse d’avoir eu raison.

Un miracle. Il n’y avait pas d’autres mots pour justifier qu’elle retrouve des proches qu’elle croyait décédés aux quatre coins de l’Archipel en si peu de temps et dans des circonstances toujours hasardeuses. Calypso guidait ses pas.

-Une famille déracinée mais dont le cœur n’a pas cessé de battre, répondit Ana qui se laissait doucement gagner par l’émotion.

Son coeur battait vite et pas seulement à cause de leur course. Ce qui se passait ce soir était complètement fou et balayait toute envie de retourner sur ses pas pour aller en découdre avec le second Loup Blanc. Il en fallait pourtant, pour la détourner de la haine qui lui brûlait les entrailles et de son besoin de vengeance.

Cette femme était Calyssa, la cadette de Rhyse…

Sa tante.

Anastasia ravala les larmes qu’elle sentait monter et se mordit la joue. Sa gorge était serrée à lui en faire mal…
Un échec monumental. Dès lors que Calyssa avala la distance qui les séparait, la brune sentit les larmes rouler sur ses joues. Oh déesse… Jamais elle ne pourrait suffisamment exprimer sa gratitude pour ce présent. Les membres de sa famille maternelle et paternelle qui ressuscitaient les uns après les autres…

-Une domestique m’a fait prendre un bateau pour Ka’Hauni en secret, des gardes se sont battus pour nous ouvrir la voie et barrer la route aux forces de Katerina.

Elle n’avait que de vagues souvenirs de cette époque, elle était si jeune… Mais la belle ressentait un vif malaise à chaque fois qu’elle repensait à cette nuit. Le sang avait coulé, elle avait la certitude que des personnes avaient péris sans parvenir à se remémorer les détails. Avait-elle fabriqué ce souvenir de toute pièce ? Elle croyait se rappeler d’un homme qui chutait et l'entraînait au sol, d’une flèche plantée dans sa gorge, de quelqu’un qui la traînait…

Ses bras s’enroulèrent dans le dos de sa tante et elle la serra contre elle. Le contact était salvateur, il balayait ses angoisses et sa rage. Pendant quelques instants, elle cessa de penser, savourant le bonheur de se trouver dans une bulle de douceur et de tendresse. Son oncle aussi l’avait prise dans ses bras lorsqu’il l’avait identifié et elle n’avait pu s’empêcher de pleurer… Et puis son frère… Exactement comme maintenant. L’émotion était trop forte à chaque fois pour être maîtrisée. Ca la tuait... C'était si... doux. Le rêve d'une orpheline devenu réel. Un bonheur.

-Elle est morte quatre ans plus tard et j’ignorais alors que des membres de ma famille avaient survécu… Je me croyais seule au monde, souffla-t-elle, la voix tremblante. Jusqu’à ce que je retrouve Rhyse, il y a peu, puis mon frère et mon père… Et maintenant toi. C’est un miracle.

Lorsqu’enfin elle trouva la volonté de quitter cette étreinte, elle recula légèrement.

-Regarde toi, tu es tellement belle ! dit-elle avec un petit rire en se frottant les joues pour les sécher. Est-ce que tu as du temps ce soir ? J’ai tellement de questions ! Tu restes, n’est-ce pas ? demanda la princesse le coeur plein d’espoir.



@Calyssa Teahui

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Serrer dans ses bras, contre sa poitrine une personne qu’on croit morte depuis si longtemps donne un sentiment étrange dans le cœur. Pourtant, celui que Calyssa exulte d’une joie et d’un soulagement impossible à nommer. Sa nièce se trouve devant elle, en chair et en os, bien portante. Que pourrait-on souhaiter de mieux? Enfin, y’a plein de choses qu’on pourrait souhaiter de mieux alors que la princesse se souvient du récit de sa nièce un peu plus trop. Une petite fissure se creuse dans son cœur pour elle alors qu’elle tente de satisfaire son propre besoin de se réconforter. Les émotions sont vives et lui étranglent un peu la gorge. La sirène est convaincue que si elle ouvre la bouche, un fort trémolo ébranlera sa voix. « Calypso soit louée. » Il y avait eu quelqu’un de suffisamment bon pour mettre un enfant sur un navire pour lui sauver la vie. Par chance, sinon Anastasia n’aurait jamais eu la chance de vivre sa vie d’aujourd’hui.

Calyssa combattait avec peine l’émotion qui voilait son regard, perdu dans la brume. Pourtant les larmes ne roulèrent pas sur ses joues, incapable de pleurer depuis qu’elle avait été embarqué sur ce navire d’esclavagiste. Avec les tortures qu’ils lui avaient fait subir pour obtenir ses larmes, elle s’est jurée depuis de ne plus pleurer. En fait, c’est surtout qu’elle n’y parvient plus. Comme si son cerveau cherchait ainsi à la protéger d'éventuels assauts. La princesse souffla un rire par son nez et secoua la tête. Elle se savait jolie, mais elle savait aussi que son aura était exacerbée par les dons d’Océanide qui coulent dans ses veines. Une beauté envoûtante qui lui sert parfois dans des missions pour faire craquer des gens. Mais serait-elle aussi jolie si elle n’était qu’une humaine? Elle ne saurait même pas dire et franchement, elle ne voulait pas vraiment y penser non plus. Une de ses mains s’agite entre elles. « Balivernes. Je n'ai pas grand mérite et c’est parce que tu ne te vois pas. Je n’ai rien à t’envier! » Un sourire lui étire les lèvres, doux et reconnaissant de cette retrouvaille inespérée et surtout inattendue.

Ses prunelles se fixent à celles de sa nièce alors qu’elle lui demande si elle a encore du temps à lui accorder. Fort probablement qu’elle devrait commencer à rejoindre l’Arcelia, mais Calyssa doute fort d’être capable de s’y rendre. Elle n’a pas du tout envie de laisser sa nièce derrière elle, de la quitter aussi abruptement en mentionnant devoir retourner à son navire. Elle peut se magasiner quelques heures, non? De toute façon, l'équipage prévoit rester pour Beltane alors, qu’elle soit sur le pont dans trente minutes ou dans quelques heures, la différence ne faisait de mal à personne. Du moins, prend-elle la liberté de le faire en hochant la tête. « Évidemment que j’ai du temps pour toi! » Elles ont tant de choses, d’histoires et d’anecdotes à rattraper, supposant qu’elles sauront s’entendre. Ce dont Calyssa ne doute pas. Enfin, elle vit dans le déni qu’elles ne puissent pas s’apprécier. Elle n’avait pas du tout envie de vivre un rejet aussi puissant que celui-là. Pas de sa nièce, pas de sa famille de sang.

Son cerveau s’active pour leur trouver un petit endroit qui pourrait être propice à la discussion et aux confidences sans qu’il n’y ait trop d’oreilles indiscrètes. « Je crois connaître un bon endroit pour nous! » Un sourire bienveillant se forme sur ses lèvres et la princesse crochète son bras dans celui de sa nièce pour l’entraîner avec elle. Le changement de comportement entre elles est radical, mais Calyssa a l’impression que si elle ne croise pas son bras avec elle, son cerveau parviendra à se dire que toute cette histoire n’est qu’un mirage. Et il n’en était pas question.

L’endroit qu’elle a en tête n’est pas très loin. Près de l’eau, le roulis des vagues pourra masquer leur conversation aux oreilles les plus distantes et elles pourront voir les autres arrivés de loin. C’est un petit coin un peu reculé où des troncs d’arbres se sont échoués sur la berge et qui peuvent leur servir de petits bancs pour s'asseoir. D’un côté, des roches empilées forment une sorte de mur protecteur avec de petites pousses de mousse au-dessus. La princesse tend la main d’un sourire pour effleurer la plante et prend finalement place directement dans le sable, posant son dos contre l’un des troncs pour s’en faire un dossier. Elle a presque envie de retirer ses bottes pour sentir le sable sous ses pieds, mais elle se contente d’y glisser ses doigts pour en apprécier la texture. Étant aussi près de l’eau, elle pourrait les défendre advenant un problème. « Je suis tellement contente de te retrouver. Je ne trouve pas les mots pour exprimer ma joie. » Elle tourne le visage dans la direction de sa nièce, observant son visage au clair de lune et un gros merci à la vision nocturne. « Tu ressembles vraiment aux portraits que j’ai vu de ma sœur. » Parce que c’est tout ce que la sirène avait pu avoir. Des portraits. Byria étant mariée et vivant sur la terre ferme, Calyssa n’avait jamais vraiment partagé de grands moments avec elle. Ses souvenirs se fanent doucement, malgré qu’elle tentât de les raviver comme elle le pouvait. Une vague d’entrain la submerge. « Raconte-moi tout! Qu’est-ce que tu fais en ce moment? Oh et surtout, où vais-je pouvoir te retrouver pour avoir d’autres moments avec toi? Je crois que c’est l’information la plus capitale que je veux avoir! » Un rire enjoué lui traverse la gorge, franchement aux anges de retrouver Anastasia.

Le hurlement du loup

Anastasia riait. De bonheur, d'allégresse, elle se laissait volontiers baigner par ce sentiment si doux et voluptueux qu’elle en oubliait sa vengeance et l’ennemi qui courait toujours à la fête foraine. Ca n’avait plus d’importance pour l’heure, elle avait tellement plus important à faire…

Comme écouter les compliments que lui renvoyaient Calyssa. Et ni une ni deux, la voilà qui se fit entrainer elle ne savait trop où par sa tante. La princesse suivit  sans opposer la moindre résistance, jetant de temps à autre des coups d'œil prudents autour d’elles par routine autant que par nécéssité. Elle eut une petite pensée pour ses camarades de l’Arcadia qu’elle avait abandonné au milieu des forains, espérant qu'ils ne s’inquiéteraient pas trop de sa disparition.

-Et moi donc, sourit Ana. Je traquais les Loups Blancs et me voilà en compagnie de ma tante… C’est folklo, s’amusa la belle.

Elle n’avait pas le sentiment de perdre au change cela dit, d’autant que l’un des deux Loups était mort. La victoire aurait été totale avec la disparition des deux, mais elle se contenterait de cette réussite partielle. Elle s’installa dans le sable, près de Calyssa.

« Tu ressembles vraiment aux portraits que j’ai vu de ma sœur. »

Le coeur d’Anastasia se serra. Elle n’avait aucun souvenir de sa mère, tout ce qui lui restait d’elle était deux petits portraits et une berceuse que sa nourrice avait continué à lui chanter à Ka’Hauni. Jamais elle n’en avait oublié les paroles, elle la fredonnait souvent dans les moments difficiles pour se donner du courage.

-Rhyse m’a confondue avec elle le jour de notre rencontre… Il n’a pas dû te raconter.

Au vu de la surprise totale de Calyssa aujourd’hui, il était évident qu’elle ignorait qu’elle avait survécu. Le frère et la soeur ne parlaient-ils pas ? Il est vrai que son oncle avait également oublié de lui dire que sa soeur était en vie…

-Je chassais la prime d’un certain pirate, un “Casteel Da’Neer”, s’amusa Ana. Mais quelqu’un m’a devancé et à empoisonné ton frère au fer. Quand je suis arrivée, Casteel était en proie au délire. Il s’est sauvé la vie en m’appelant “Byria”. Je l’ai trainé jusqu’à ma planque pour le soigner et j’ai découvert ensuite qui il était.

Tout lui raconter ? Par où commencer ? se demanda-t-elle en étirant ses jambes. Par chance, sa tante orienta ses questions. Et à nouveau, elle rit devant tant d'enthousiasme.

-Je suis la capitaine de l’Arcadia. Un navire que j’ai… courtoisement “emprunté” à Fedja. J’ai fais la connaissance de mon frère Vaelyre là-bas et il m’a suivi jusqu’ici. J’ai quelques affaires à régler à Khesa, puis je retournerai à Kelona… J’espère convaincre mon père de se positionner une bonne fois pour toute contre Velizar et son armée et d’appeler ses loyalistes aux armes…

Et elle ajouta en plissant des yeux, sourire malicieux sur les lèvres :

-Tu es la bienvenue si tu veux embarquer. Oh ! J’ignore si tu as eu vent de la nouvelle mais… Ma tante, Katerina est morte. Vaelyre nous a définitivement débarrassés de cette sorcière. Je ne suis pas arrivée assez vite pour lui porter moi-même le coup de grâce, dit-elle avec une petite moue. Mais je l’ai vu choir…

Et ça lui avait fait un bien monstre. Une victoire bien vite éclipsée par la chute des murailles de son frère et de la course effrénée pour aller le repêcher dans l’eau avant qu’il ne se noie.

-Et toi, Calyssa ? Parle moi de toi ! Comment as-tu survécu au génocide ? Où es-tu allée après, qu’as-tu fait ?


@Calyssa Teahui

Codage par Libella sur Graphiorum

Son sourcil s’élève alors qu’elle apprend que son frère avait confondu leur nièce avec leur sœur. La sirène avait mal au cœur que d’imaginer son aîné lui avoir caché la présence d’Anastasia quelque part sur l’archipel, ça lui faisait d’autant plus mal que de réaliser qu’il lui cachait encore un tas de choses. Pourtant, elle ne devrait plus en être surprise depuis le temps… Depuis trente ans que Rhyse lui cachait sa vie et fournissait tous les efforts du monde pour la tenir à l’écart de sa vie. Et c’était tellement frustrant. Ça lui donnait si souvent envie de hurler, de frapper et de simplement baisser les bras, mais dès qu’elle le croisait de nouveau, elle ne pouvait s’empêcher d’essayer une nouvelle fois. Son cœur espérait tellement, mais il accumulait à chaque fois un nouvel échec, une nouvelle douleur à ajouter sur la longue liste de celles déjà présentes sur son âme. Si seulement son frère pouvait se rendre compte que celui qui lui faisait le plus de mal, c’était lui. Qu’il était le seul ennemi dont il devait la préserver. Quelle farce. La sirène écouta l’histoire avec un froncement de nez évident. Une part d’elle, celle qui était blessée, aurait souhaité que son frère continue de délirer, de toute façon, il était déjà bien avancé sur cette voie, mais l’autre avait le cœur serré que de l’imaginer souffrir. C’était épuisant toute cette différence de sentiments à chaque fois. “Eh bah, quelle histoire. Il ne s’en est pas vanté.” Elle tente de mettre un peu de joie dans son ton qu’elle ne dénote que sarcasme. Calyssa refuse que tout le poids de la relation difficile avec son frère retombe sur les épaules des autres et pourtant, ç’avait été plus fort qu’elle, ce qui expliquait sans doute pourquoi elle se mordait les joues en ce moment même.

La princesse saisit du sable entre ses doigts et souleva doucement ses mains pour le laisser s’écouler doucement entre ceux-ci. Le mouvement des grains lui chatouilla doucement les paumes, lui donnant l’occasion parfaite de distraire ses pensées et de s'empêcher de devenir une tornade de ressentiments envers Rhyse. Et elle recommença en plongeant les doigts dans le sable à nouveau. Un rire franchit ses lèvres au terme emprunté qui sonnait faux. C’était décidément un emprunt à long terme sans possibilité de remise. Mais en même temps, vu ce qui s’était passé à Fedja, c’était probablement que de rendre la monnaie de la pièce à quelqu’un d’autre. La princesse glissa sa langue sur ses lèvres devant toutes les informations qui franchissaient celles de sa nièce. Elle n’avait que peu de souvenir du père d’Anastasia, là encore, les informations qu’elle avait se résumant surtout à des racontages qu’on lui avait faits lorsqu’elle était enfant. On avait préféré lui dire que tout le monde était mort, sans doute pour anéantir tout élan altruiste et même stupide de la part d’une jeune princesse déchue qui voulait brandir le poing pour défendre les siens. C’était une époque où elle apprenait à marcher aussi, grâce à l’amulette. Elle aurait eu fière allure à tenter de se tenir debout devant l’ennemi…

Un sourire espiègle se glissa sur ses lèvres. “Tu ferais de la place à ta vieille tante sur ton navire? Je pourrais vous ralentir, je ne suis plus toute jeune après tout! Que fais-tu avec l’Arcadia? Pas seulement courir après ton père j'espère!” Plutôt ironique encore de ce côté, considérant qu’elles avaient le même âge. La preuve que les défunts monarques de la Baie des Sirènes n’avaient que de l’amour l’un pour l’autre, créant une large différence d’âge entre les aînés et elle. Mais l’idée de rejoindre sa nièce sur son navire, de pouvoir rattraper tout ce temps perdu s’insinuait doucement dans les fibres de la sirène. Calyssa avait un besoin immense de retrouver sa famille, d’être près de ceux qui restaient. Après tout, on lui avait tout enlevé, la laissant aux mains de personnes de confiance, qu’elle considérait aussi comme de la famille, mais dont les liens du sang n’étaient pas les mêmes. Est-ce que rejoindre l’Arcadia serait un mouvement intelligent à effectuer? Déjà son cœur lui criait que oui, il la suppliait presque déjà, à genoux de changer d’équipage. Comme si ce moment était prédestiné. Et puis, elle était convaincue que sa capitaine actuelle ne serait pas contre ce changement d’équipage, d’autant plus qu’elle quitterait pour la famille. Et Rhyse ne pourrait rien dire… “Bien fait pour cette vipère.” cracha-t-elle alors qu’Anastasia lui confirmait le décès de cette Katerina, celle qui lui avait volé sa famille, qui leur avait enlevé un avenir joyeux pour ne les plonger que dans la noirceur et l’amertume.

Mais quand la tonne de questions qu’elle lui avait posée lui revint en plein visage, la sirène détourna la tête pour observer la mer qui venait s’échouer contre le sable un peu plus loin. Il était certain qu’elle aurait le droit au retour de balancier, pourtant, elle n’avait pas pris la peine de réfléchir à ce qu’elle avouerait. Parce qu’elle ne voulait pas tout dire, elle ne voulait pas tout avouer et inquiéter cette nièce nouvellement retrouvée. “On m’a confié à des gens de confiance. On m’a gardé caché pendant dix ans dans les différentes mers de l’Archipel en m’apprenant tout ce qu’une princesse devrait savoir.” Les souvenirs de son enfance et d’une partie de son adolescence n’étaient pas des plus heureux. Elle s’était rapidement montrée aussi droite qu’insubordonnée. C’était qu’elle rêvait de pouvoir rejoindre son frère, de pouvoir découvrir le monde que lui offrait le pouvoir de l’amulette. Elle voulait pouvoir se rendre utile déjà à cette époque… “J’ai rejoint Ka’Hauni à quatorze ans, peut-être nous sommes nous croisés sans le savoir? Et j’ai rejoint un équipage à vingt-trois. Ça n’a pas été mon choix le plus judicieux.” Elle plissa le nez sous le souvenir qui avait mené à sa captivité sur un navire d’esclaves. Celui-là même où on lui avait pris ses larmes et ses écailles. Mais elle préféra taire cette information. “J’ai ensuite rencontré la capitaine de l’Arcelia avec qui je navigue en ce moment.” Un sourire s’étira sur ses lèvres alors qu’elle haussait les épaules comme si c’était la chose la plus banale du monde. “Depuis je fais des raids contre des navires d’esclaves et j’essaie de reconstruire un lien avec mon frère.” avoua-t-elle un peu tristement. Parce que la relation dysfonctionnelle et hautement conflictuelle la blessait, mais la condition de vie de plusieurs océanides peinait également son cœur. “Rien de très élogieux comme vie, comme tu peux le constater.” Elle sourit, nullement amère en dehors de s’être fait avoir durant une courte période de sa vie, période qu’elle ne comptait plus se voir répétée. “Et je venais profiter de Beltane un peu jusqu’à ce que je croise une magnifique jeune femme qui semblait dans le pétrin. Et là nous discutons agréablement sur la plage comme si nous nous connaissions depuis toujours.” Elle lui adressa un clin d'œil amusé tout en lui donnant un tout petit coup d’épaule.

Le hurlement du loup

Ça ne surprenait pas vraiment Anastasia que son oncle n’ait pas ébruité leur rencontre. C’était une personne secrète, peu bavarde. Il semblait qu’il ait détenu et gardé pour lui un nombre important d’informations pour une raison qu’Ana n’expliquait pas. Le manque de confiance peut-être ? Elle pouvait comprendre qu’il fasse de la rétention envers elle, mais envers Calyssa ? Quel genre de relation entretenaient-ils l’un et l’autre ?

-Ma vieille tante ? s’exclama Ana dubitative. Tu caches bien tes rides. Quel âge as-tu ?

Trente, quarante ans tout au plus ? Les océanides donnaient parfois l’air d’être plus jeune que leur âge réel.

-Tu seras toujours la bienvenue à mon bord, Calyssa. L’Arcadia est un outil que j’ai l’intention d’employer pour freiner l’expansion puriste… Et pour recréer un pont entre les trois espèces. J’ai conscience que c’est un projet ambitieux…

Un projet qui naissait à peine dans sa tête mais qui prenait profondément racine dans son coeur.

-Nous aurons l’occasion d’en reparler si tu décides un jour d’embarquer. Mes compagnons ignorent encore mon identité mais ils sont tous dévoués à cette cause.

Il était trop tôt, ses projets étaient encore trop jeunes et surtout… sa relation avec Calyssa trop récente pour lui confier de façon plus concrète ses plans. Ça viendrait, peut-être, si les belles apprenaient à se connaître et à se faire confiance. Quelque chose lui disait que le lien serait facile à créer… Calyssa rayonnait comme un soleil, elle plaisait à Anastasia.

Elle l’écouta lui conter le récit de sa jeunesse, secoua doucement la tête.

-Je n’étais plus à Ka’Hauni quand tu es arrivée…

Les esclavagistes étaient passés par là. Une époque gravée au fer rouge dans sa mémoire.

“Et j’ai rejoint un équipage à vingt-trois. Ça n’a pas été mon choix le plus judicieux.”

-Pourquoi ? s’enquit Ana.

L’Arcelia ? Ce nom lui évoquait quelque chose… Un navire d’anti-esclavagistes, non ? Le sang coulait dans son sillage. Calyssa n’était définitivement pas une océanide à qui il fallait chercher des problèmes, songea la brunette.

-Les relations sont compliquées avec Rhyse ?

Ca expliquait le manque de communication entre les deux, de fait. Ana rit de bon coeur.

-Je me détendais avec quelques membres de mon équipage quand j’ai vu un Loup Blanc passer… C’était plus fort que moi, je l’ai suivi pour savoir ce qu’il tramait. Je pensais que les loups se disperseraient après la chute de Katerina, je m’inquiète de savoir ce qu’ils sont devenus et s’ils mijotent quelque chose. Mais… A défaut d’avoir le fin mot de l’histoire je t’ai trouvé toi, sourit-elle.

Une conclusion imprévisible mais qui ne lui faisait aucunement regretter son impulsivité à suivre son ennemi en se mettant directement en danger.

-Présente moi à la capitaine de l’Arcelia à l’occasion, on a jamais assez d’alliés… Surtout en ce moment.


@Calyssa Teahui

Codage par Libella sur Graphiorum