Giddy with delight | Nandor

Boussole Souris mon amour, voilà, parfait. Nandor placarde un grand sourire sur son visage, oublie les soucis pendant un quelconque instant. Figure maternelle qui passe une douce main dans ses cheveux. Le collier frotte sa peau mais sa mère lui a déjà dit de ne pas tirer dessus pourtant la sensation lui frotte la peau, souffre silencieusement. Elle a déjà sentie la muselière, refuse de souffrir encore.



La jeune femme plisse les yeux. Le tissu de la robe qu’elle porte est désagréable mais elle n’y prête que peu d’importance. Fais mine de ne pas y prêter attention, Nandor baisse la tête, entend les longs pleurs de sa mère, les chuchotements des autres femmes à leurs côtés. Quelqu’un lui tresse les cheveux et Nandor ne dit rien, écoute les soubresauts, elle se doute que quelque chose ne va pas mais lorsqu’elle demande, on ne fait que lui sourire tristement, prétexte que ça va aller.



Papa n’est pas revenu de là où l'avait envoyé Thorm, il dit qu’il est mort. Maman a essayé de me le cacher mais ça n’a plus d’importance. Il est mort alors qu’il disait qu’il allait tout faire pour retirer les colliers. Maman dit que j’aurais peut-être la chance de nager un jour, elle dit que ça vient tout seul pour des gens comme nous. J’espère. J’ai du mal à la croire mais elle essaie. Le général a fait demandé pour moi Maman n’a pas eu l’air d’apprécier, les autres disent qu’elle est jalouse, je ne comprends pas.



Vendue, donnée, offerte, Nandor est débarrassée, à peine remerciée, même pas remerciée. Elle gratte avec haine, griffe, tente de se débarrasser du collier, froisse le tissu de son nouveau vêtement. Elle zieute la jeune femme à côté d’elle, nouvelle venue, pleure violemment, corps qui tangue sous les remous de la houle et Nandor regarde. “Aujourd'hui tu me manques.” Mère laissée derrière, Thorm et son sourire, aux revoirs rapides et douloureux. Ses yeux sont secs, bien trop secs pour quelqu’un qui est triste et Nandor baisse la tête, refuse de laisser couler une larme ou un mot.



“Elle n’parle même pas ta sirène! “ Grognement, un doigt dans sa bouche et l’homme soulève ses lèvres, regarde la mâchoire et Nandor se retient de mordre, victime de son succès, connard- croque, craque, goût du sang qui emplit sa bouche, sourire qui germe, grandit, envahit son visage et le revers de la main sur sa joue n’a que peu d’importance contre la sensation de satisfaction au fond de son coeur.



Wesker est venu pleurer dans les bas quartiers aujourd'hui. Ridicule. Son père m’a acheté, moi et les autres, à quoi s’attend-il? De la compassion? Il pleure parce que les autres ne l’aiment pas. Personne ne l’aime, moi non plus. Je ne sais pas ce qu’il veut mais je n'aime pas ses longs regards et ses soupirs doucereux lorsqu’il croit qu’on ne le voit pas. Il m’a pris une mèche de cheveux, joué avec l’amulette autour de mon cou. Je vais la brûler, le brûler, tous les brûler.



Personne ne brûle, les rêves et les cauchemars se succèdent et les conquêtes de la même façon. Nandor n’a pas grand chose à offrir à part ce qu’on force d’elle. Sourire et douleur et elle endure dans l’espoir qu’un jour un doux marin souhaitera retirer son collier. Mais elle n’y croit plus, accepte doucement les avances du jeune maître de la maison, accepte ce qu'il voit en elle et pendant quelques années, Nandor s’efface. Jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus, douleur trop cuisante et lorsqu’elle mord, on la passe de nouveau à quelqu’un d'autre. Nouveau bateau et nouvelle vie, elle s'écorche les doigts sur les armes, regarde les hommes et les femmes s’amuser à les ridiculiser, forcée à danser, forcée à exister. Elle se morfond dans ce qu'elle est, un pas avant les remords éternels.


“Donne-moi cette foutue lame!” La main tremblante, elle regarde avec désir ardent, désir de voir disparaître celui qui donne les ordres mais elle n'est guère capable de faire plus qu'exister. L’homme est imposant, empli de rage et elle sait que si elle ne fait pas ce qu'il veut maintenant, alors peut-être qu’elle ne rouvrira pas les yeux demain. L'idée n’est pas si désagréable, presque envisageable et elle n’ose lui donner l’arme bien qu'il prétexte que c’est pour la défendre. Il ne veut pas défendre celles et ceux qui sont au fond de la calle, il veut s’amuser d’eux, garder sa marchandise des pirates qui foulent le pont mais les doigts de la sirène continuent de serrer si fort la lame qu'elle saigne presque abondamment maintenant. “Tu l’auras voulu!” Ses pas sont lourds et elle sait que s’il saisit l’arme maintenant elle n’a plus grand chose pour elle, entend les gémissements des autres derrière et elle accepte, ferme les yeux. La douleur ne vient pas, ne vient plus, ne viendra plus jamais lorsqu'elle rouvre les yeux pour le voir, lui.


J’arrive à m’en séparer plus que quelques heures maintenant. C’est ridicule, ils n’osent pas le dire mais je vous dans leurs regards qu'ils me jugent. Ils ne comprennent pas, comment pourraient-ils? D'après eux j'ai l’air d’avoir 18, 19 ans peut-être, je porte le collier depuis aussi longtemps que je me souviens… Le visage de père s'est effacé, je n'arrive pas à me souvenir de quoi il avait l’air. Tous les visages des autres se mélangent dans ma tête et j’ai parfois envie de vomir en me souvenant d’eux. D'après ce qu'ils me disent, je n'aurais pas besoin de faire ça ici, apparemment, je suis en sécurité.


Difficile à croire, Nandor reste sur ses gardes, douloureux passé qu’elle passe du temps à renflouer et lorsqu’elle plonge dans l’eau pour la première fois, elle sent la liberté de toute une vie qu'on lui a volé. Découverte de qui elle est, sourire radieux qui s'était perdu de son visage, Nandor embrasse sa nouvelle vie de pirate, sauvée par l’équipage du Sin Slayer. Elle refuse d’en abandonner son devoir, elle doit la vie à son capitaine, donnerait tout pour lui redonner. De plus, elle ne sait où aller avec cette liberté redonnée.
Quelques années ont passées et la jeune femme semble plus épanouie, coquille bien moins vide, adaptée à son environnement. Refuse la pitié pour chaque esclavagiste, prend un malin plaisir à noyer ceux qui se mettent les sirènes à dos, elle accepte ce rôle de mercenaire.