Dette Eternelle [~Ashanti]

Dans la demeure familiale des Asygar, à Khesa
Quelques années plus tôt

Ashanti se tenait devant la porte de la chambre, une assiette de fruits frais à la main qu’elle avait acheté au marché un peu plus tôt dans la matinée. Une dizaine de jours s'étaient écoulés depuis qu'elle avait accueilli Ariel Coveo, le triton blessé. Chaque jour, elle s'efforçait de créer un environnement chaleureux pour lui, un havre de paix dans un monde qui lui avait infligé tant de souffrance. Mais la charge émotionnelle de cette responsabilité était parfois lourde.

Les souvenirs de son propre passé affluaient souvent, la poussant à réfléchir à la souffrance que chacun pouvait ressentir. Elle se souvenait des luttes qu’elle avait affrontées pour s’imposer dans le monde des affaires. La mer, cet espace qui semblait si vaste et libre, avait également ses ombres. La jolie petite brune avait appris que derrière chaque sourire, il pouvait y avoir des douleurs cachées. Et maintenant, elle voyait cette vérité incarnée dans cette pauvre âme qui se rétablissait dans l’une des chambres de sa grande maison. Chaque regard qu’il portait vers l’extérieur semblait empreint de mélancolie et de souvenirs douloureux.

Elle hésita. Frappa trois petits coups. Puis ouvrit doucement la porte et entra dans la chambre. Ariel était assis sur le lit, ses jambes repliées sous lui, contemplant le mur. Le silence pesant qui régnait dans la pièce était presque palpable, et la jeune femme d’affaire ressentit une profonde empathie pour lui. Elle eut cette envie de le serrer dans ses bras et de lui dire que tout irait bien. Qu’il n’avait rien à craindre d’elle – ni de Drake. Qu’ici, il était en sécurité. Elle déposa le plateau sur la petite table à côté de lui et s'assit au bord du lit.

- « Bonjour, Ariel » dit-elle avec douceur.

Elle n’ajouta rien de plus dans l’immédiat. Elle voulait avant tout lui montrer qu'elle était là pour lui, que sa présence était un soutien silencieux. Elle l'observa un moment, tentant de lire dans son expression. Ses yeux, bien que souvent troublés par la douleur, portaient aussi une lueur de force. Ashanti avait besoin de se rappeler cela, de le voir comme un homme en voie de guérison, pas seulement comme une victime. Car c’était aussi de cette façon que son protégé parviendrait à tourner la page de cet épisode terrible.

- « Ne me remercie pas » dit-elle en posant une main sur l’épaule de l’océanide « C’est normal et je suis ravie de pouvoir t’aider à aller mieux » ajouta-t-elle du même ton « Comment te sens-tu aujourd’hui ? » demanda-t-elle finalement, cherchant à briser la glace.

Elle se leva et commença à préparer le petit déjeuner. Les odeurs de fruits frais, de pain chaud et de tisanes apaisantes remplissaient la pièce. Ashanti espérait que ces saveurs réconfortantes apporteraient un peu de lumière dans la vie du triton. Elle se remémorait les moments où elle avait partagé des repas avec sa famille, ces instants simples mais précieux où l'amour et la chaleur humaine s'échangeaient autour de la table. Elle souhaitait pouvoir offrir cela à Ariel, un sentiment d'appartenance et de sécurité.

Tout en préparant le petit déjeuner, elle se laissa aller à ses pensées. Elle se remémora la première fois qu'elle avait vu Ariel, le moment où il avait franchi le seuil de sa maison, blessé et traumatisé. Son cœur s’était serré et elle avait immédiatement ressenti une impulsion irrésistible de l’aider, de lui montrer qu'il y avait encore de la beauté dans le monde. Elle avait vu en lui une part de son compagnon avant lui, une âme cherchant désespérément à se libérer des chaînes de la douleur.

- « Ce n’est pas grand-chose, mais c'est fait avec soin » dit la jeune femme, un sourire sincère sur son visage « Et puis, ça t’aidera à reprendre des forces » Elle se mit à son côté, partageant ce moment de calme et de douceur. Ariel ne dit rien, mais Ashanti sentait que sa présence était appréciée.

Une fois le repas prêt, la shaman retourna auprès de l’océanide en convalescence, le cœur battant d'impatience. Elle posa le plateau devant lui, laissant la chaleur du pain et la fraîcheur des fruits s'imprégner dans l'air. Elle s'assit à ses côtés, attendant qu'il réagisse, essayant de lire ses pensées dans son silence. Son protégé regardait les aliments avec une certaine hésitation, comme s'il avait du mal à croire qu'il méritait ce moment de douceur. Ashanti avait parfois l'impression qu'il s'excusait d'être là, de profiter de ses efforts. Elle voulait qu'il comprenne qu'il avait toute sa place dans cette maison.

Elle commença alors à parler des choses simples : la journée, la beauté de la mer qui s’étendait à l’horizon, les couleurs du ciel qui se mêlaient à la lumière du soleil. Elle partageait des anecdotes sur sa jeunesse, ses rêves et ses ambitions. Leurs échanges, bien que souvent silencieux, prenaient un sens nouveau, une forme de complicité grandissante. Ashanti savait bien qu’elle ne pouvait pas effacer la douleur d'Ariel, mais elle pouvait être une source de lumière, un soutien dans son cheminement. Et dans sa guérison. Elle se mit à imaginer le jour où ils pourraient sortir ensemble, marcher sur la plage, sentir le sable sous leurs pieds et écouter le murmure des vagues. L'idée lui réchauffa le cœur.