Cyara Fahey

BoussoleBerceau de son enfance, l'île de Frey et ses secrets ont vu Cyara grandir dans une famille très simple en apparence. Ses parents et elle. Lui, un forgeron un peu bourru, peu causeur mais profondément attaché à sa famille : Elle, cuisinière à forte tête qui n'a jamais manqué d'ambition. Deux exemples de force de caractère qui ont forgé la personnalité de Cyara, alors qu'elle savait à peine marcher sur ses deux jambes. De longs cheveux sombres et épais, un regard dur et perçant, une taille qui s'est affinée avec les années.

Cyara a toujours été plus proche de son père que de sa mère, c'est un fait. Pas parce qu'elle ne l'aimait pas, mais parce qu'il existait alors entre Nojham et elle une connexion plus intense qu'elle était trop naïve pour comprendre. Auprès de lui, elle a appris l'amour des matériaux, comment leur parler et les moduler sous le poids des armes. Contrairement à ses camarades féminines, elle adorait passer son temps dans l'atelier de son père à le regarder forger une épée, taillant elle-même son propre couteau dans un bout de bois à la force de ses petites mains délicates. Très bon travailleur mais parfois distrait, elle faisait office d'assistante, lui trouvant toujours ses outils là où il les avait égarés, notant de son écriture longiligne et novice les noms de ses clients sur un grand carnet, à l'encre et à la plume.

Cette proximité pourtant anodine entre un père et sa fille commença à attiser la jalousie de Deirdre, l'épouse délaissée. Bien vite, elle suspecta des intentions indécentes de la part de son mari envers Cyara et se mit à les épier. Le manque de preuve n'émoussa pas sa vigilance qui s'accrue au fil des années, alors que sa fille se transformait en adolescente dont les formes se creusaient, plus généreuses. Sa jalousie devint maladive et se déporta sur Cyara. Leurs relations se tendirent sans que la jeune fille ne comprenne pourquoi. Sa mère la regardait de haut, lui parlait sèchement, refusait de lui procurer des habits à sa taille, préférant l'habiller comme un sac à patate. Elle haïssait sa beauté, le naturel qu'elle avait auprès de Nojham, les rires qu'ils partageaient, les sous-entendus qu'elle ne comprenait pas...

Un rapprochement qu'elle ne supporta pas. Une taille trop fortement serrée, une main passée dans ses longs cheveux bruns, un baiser sur sa joue un peu trop empressé... Deirdre aurait pu s'en prendre à lui, le dénoncer sur place publique... qui la croirait ? Qui donnerait du poids à ses propos face à la parole de son mari, un homme respecté de l'île de Frey ? Elle décida d'enlever toute tentation à son mari. D'enlever à ce démon qu'elle avait elle-même créé son statut de femme, d'épouse, de mère. Profitant d'une livraison du forgeron, elle piégea sa fille dans sa chambre et fit appel à un homme qu'elle qualifiait de "médecin" mais qui n'en avait ni la bonhommie, ni la compassion. Deirdre la força à s'allonger sur le lit, mobilisa son torse de ses jambes et ses bras de ses mains pendant que le monstre lui écartait les jambes.

La suite, Cyara décidera de ne jamais en parler à qui que ce soit. Du sang qui coula, de la douleur qui forçait ses cris, de la haine qui prit place dans son cœur envers celle qui lui avait donné la vie. Sa nature se révéla ce soir là. Elle explosa en mille milliers de petits morceaux de pierres et de bois constituant la maison. D'abord sa chambre - les murs, le plafond - puis sa rage atteignit la salle de vie, la chambre froide de ses parents. Elle s'évanouit.
Lorsqu'elle se réveilla, Cyara trouva sa mère allongée sur elle, inerte. Le "médecin" aux bras tâchés de son sang dissimulé à moitié par un gros amas de pierre. Son père, sur le palier du foyer détruit, les larmes sur les joues. Il n'eut pas un regard pour sa femme et porta sa fille jusqu'à un endroit sûr, un Shaman qui saurait la guérir. Le mal, pourtant, était fait. Cyara n'enfantera pas et vivra avec la douleur chaque fois qu'elle se donnera à un homme.

En revenant chez elle, privée de sa féminité, elle trouva l'atelier intact. Un miracle qu'elle ne saura jamais expliquer. D'un visage froid et sans vie, elle se présentera aux obsèques sommaires de sa mère, décédée dans "un accident, la faute aux fondations fragiles de la vieille maison" disait-on sans qu'elle ne vienne jamais contredire qui que ce soit. Pendant des semaines, elle gardera le silence, ne trouvant du réconfort que dans les bras du dernière être qui lui reste et lui porte de l'amour. Un amour que Deirdre avait raison de craindre, car il était trop fort, trop... trop. Et quand il s'exprima, Cyara prit peur et s'enfuit.

Elle rencontra un.e Shaman de l'Ordre d'Améthyste dans sa fuite, qui lui enseigna comment maîtriser sa magie et dominer ses émotions flambantes. Un apprentissage qui lui coûta son impatience mais lui fut bénéfique. Des années pendant lesquelles elle se pardonna d'avoir causé le trouble dans le couple de sa famille et parvint même à reprendre contact avec Nojham, sans jamais lui offrir l'amour qu'elle lui portait enfant. En perfectionnant sa magie, Cyara se prit de passion pour le verre et se mit à confectionner de nombreux objets et bijoux qu'elle parvenait à vendre - suffisamment de quoi la faire manger au moins une fois par jour.

Un jour, par le plus heureux des hasards, elle fut amenée à aider son prochain à la recherche d'un proche perdu. Cette simple expérience amena un déclic en Cyara qui décida d'en faire son occupation principale. Un exercice qui n'était pas de tout repos et une réputation qui nécessitait de se construire sur les années. Cyara, déterminée et rusée, ne lâcha jamais rien jusqu'à se faire, petit à petit, un nom dans le milieu. Pas mercenaire - car si elle peut blesser pour trouver la vérité, elle ne tue point - mais bien détective privée. Et c'est chaque fois avec beaucoup d'enthousiasme et de confiance qu'elle part en mission car s'il y a bien une chose que la demoiselle déteste, c'est de rester là à ne rien faire !