Ombre - I'm the shadow in your room

Boussole Sur ce bateau pirate, on s'attendait à tout, sauf à voir une enfant. Et pourtant, il y en avait une, une petite et frêle créature, à la peau et aux cheveux blancs comme la neige. La petite courait, sautait, parcourait le navire en haut, en large et en travers. Elle le connaissait par coeur, ce navire, la moindre tâche de graisse ou de sang, la moindre rainure dans le bois, les moindres vestiges de batailles passées. Les autres occupants, eux, vaquaient à leurs occupations sans prêter attention à la fillette aux cheveux blancs.

- OMBRE !

Enfin, sauf elle. Elle, c'était la mère de la petite, une femme bien bâtie, toute en muscles, au visage brûlé par le soleil. Et vous pouviez être sûrs qu'Ombre ne lui attribuerait pas la médaille de la meilleure mère du monde. Les deux ne s'aimaient pas, mais la fillette ne savait pas exactement pourquoi. Ou plutôt, elle ne savait pas pourquoi sa mère ne l'aimait pas, parce que dans son cas, c'était clair. Sa mère n'avait jamais fait preuve de tendresse envers elle, ne l'avait jamais félicitée ou remerciée, malgré tous les efforts qu'elle faisait. Ombre n'était pas maltraitée, mais pas particulièrement bien traitée non plus. Tout l'équipage la pensait faible, malgré le mal qu'elle se donnait à l'entrainement.

Et quand rien ne changeait quand elle grandissait. Son corps était fin et délié, les autres associaient son physique, à tord, à une faiblesse. Ils ne voyaient pas à quel point elle était rapide, discrète, et mortelle. Ils ne le voyaient pas, et Ombre était fatiguée d'essayer de contenter des gens qui ne le seraient jamais.

Puis un jour, elle eut le droit de participer à un abordage. Alors, soyons bien clairs : l'équipage des O'Brien n'était pas réputé pour son efficacité. C'était même plutôt le contraire. D'aussi loin qu'Ombre se souvienne, elle n'avait jamais vu un abordage qui s'était bien passé. La mort était une constante dans sa vie, elle avait vu des pirates mourir depuis sa naissance. Mais elle, elle était bien déterminée à rester en vie, et elle y parvient. Sa mère, la capitaine du bateau, mourut ce jour-là, et ce fut la goutte qui fit déborder le vase pour Ombre. Elle décida d'abandonner cette vie de clandestinité pour se ranger, et mettre ses compétences au service d'un bateau marchand.

A la première escale, elle descendit de l'embarcation et n'y remit jamais les pieds. Mais pendant presqu'un an, elle n'eut aucun succès. Les bateaux marchands ne voulaient pas d'elle, préférant un équipage plus conventionnel, moins étrange. Puis sa chance tourna.

Un soir, Ombre tomba sur une brune entourée de cinq hommes, qui n'avait pas l'air de s'amuser. La tête penchée sur le côté, elle observa un instant le comportant de la fille, tentant de décider si cette dernière méritait d'être aidée ou non. Le comportement de la brune lui plut, et Ombre se décida à intervenir. Elle se glissa au milieu des hommes pour leur faire face, et lança :

- Dites, vous trouvez pas que cinq contre une c'est pas super juste ? Je ne voulais pas m'impliquer au début, parce que vous seriez en infériorité, mais j'ai décidé que vous ne méritiez pas un combat juste.

Elle sortit son poignard, et le combat commença.

Quand les cinq hommes furent à terre, Ombre envisagea de s'en aller, et fit quelques pas dans sa direction d'origine, sans avoir adressé un seul mot à l'inconnue aux côtés de laquelle elle venait de se battre. Mais après quelques mètres, elle changea d'avis et se retourna pour lancer à la brune :

- J'ai besoin d'un verre, tu m'accompagnes ?

C'est ainsi qu'Ombre rencontra sa future capitaine.

Sa vie après cette rencontre prit un tournant auquel elle n'aurait jamais pensé. Elle se plaisait sur ce bateau, avec cet équipage. Sa capitaine était une jeune femme agréable à vivre, Ombre l'appréciait beaucoup. C'est d'ailleurs la première personne dans sa vie qu'elle a appréciée, et elle s'est découvert une loyauté à toutes épreuves. Elle était prête à tout pour sa nouvelle amie. Naïa avait eu une vie bien différente de celle d'Ombre, mais elles étaient tout de même semblables sur quelques points, notamment leur envie de liberté.