Elowen Shade -

Boussole

Tous les vilains ne sont pas effrayants..en apparence.

L’enfant est une shaman de l’opale noire, elle parle toute seule pendant des heures...

Des voix en écho dans sa tête ? Elowen s’en fait des amis et préfère discuter que de s’en effrayer…

La trace noire qui s’est dessinée sur ses côtes simultanément à son changement d’attitude n’a pas échappé au regard vigilant de sa famille d’accueil. Adoptée, sans le moindre souvenir ni la moindre information sur sa famille biologique, la jeune adolescente de dix ans ne comprend pas l’agitation autour d’elle. Elle n’a alors aucune idée de ce qu’il se trame sur cette île et n’a pas de raisons de se méfier des mains qui la nourrissent depuis de longues années.

La jeune femme poursuit sa vie, grandit au milieu des rires et de sa propre folie sans toutefois quitter le nid. L’île sur laquelle se sont repliés les survivants de la bataille d’Anevine n’est pas grande, le tour est vite fait. Des pêcheurs accostent régulièrement, des touristes aventuriers ou égarés profitent des tavernes conviviales et des eaux cristallines, tandis que la demoiselle, elle, ne voit que les brumes épaisses au loin et la noirceur de Fedja qui aurait dû l’inciter à fuir… Elle est trop jeune et naïve pour le comprendre.

A vingt ans, elle devient la dame de compagnie d’une jeune fille issue d’une famille noble déchue, mais néanmoins toujours fortunée. Son environnement est sombre, mais elle n’en voit que la beauté. Des sourires de façades, mais tout son entourage voue une loyauté sans faille à Velizar Ozova que peu connaissent vraiment à cette période. L’homme est tapis dans l’ombre pour préparer la suite du programme. La belle ne voyage pas, elle est maintenue prisonnière sans qu’elle ne puisse le comprendre. Ses brèves excursions au sein de l’archipel sont sources d’angoisses, pour celle qui ne connaît rien du monde extérieur et malgré un nom inventé de toute pièce, le dessin de son avenir est déjà posé sur le papier par celui qui deviendra son mentor, cinqs ans plus tard : Nikolai Ozova.

Année 1 à 3. Se redresser ou mourir.

Les jolies robes sont échangées contre des tenues de combat et Elowen rejoint un centre d'entraînement niché au cœur d’une forêt dense avec d’autres élèves venus de toutes parts. Le camp des futurs combattants est financé par Elvard Vestrit et les Ozova eux-mêmes, l’alliance se tisse dans l’ombre. Toutes les recrues ont un point commun : la magie de l’opale noire coule dans leurs veines. Le programme est exposé lors d’une première assemblée : cinq ans. Voici le temps donné à ces jeunes pour se former à représenter l’avenir. Sous un enrobage de belles paroles se cache la vérité : ils servent de cobayes pour la renaissance de l’opale noire et plus précisément, des extrémistes de l’Onyx. Les formateurs, vêtus de rouge, connaissent déjà la suite. Les faibles n’ont pas leur place et seront rejetés au fil des années, une bonne moitié des élèves deviendra folle et seulement quelques-unes des jolies petites têtes en face d’eux parviendra à sortir indemne des 5 ans à suivre.

A l’issue de cette formation ? L'épreuve. Les 3 meilleurs auront la chance de rejoindre les rangs proches du prétendu souverain et gagneront sa reconnaissance, la gloire et le prétendu pouvoir. De belles paroles qui s’incrustent dans des têtes naïves et pleines d’espoir. Cinq années, voilà le temps qui les séparent de la révélation, le temps nécessaire pour tester la magie de la psyché ainsi que ses créateurs.

Les trois premières années sont abominables. Des côtes cassées, des hématomes à n’en plus finir et un mal de tête quasi constant avec des voix qui s’infiltrent dans les esprits de jour comme de nuit. Elowen est faible, elle n’était jusqu’à présent qu’une demoiselle de compagnie et elle hurle sa douleur sous les assauts répétés, crache l’hémoglobine d’un coup en plein dans le foie et se relève, encore et toujours. Ils s'entraînent dur et des groupes se forment au sein de la bâtisse qui accueille tout ce beau monde à l’abri des regards. Une grande colocation de psychopathes en devenir.

Année 4 . Étouffer l’étincelle

« Ferme là. Tu causes ou tu frappes ? » lance-t-elle à son adversaire du jour, un poignard dans la main.

La fille prodige. Bonne dernière en début de formation, personne ne mise sur elle. La jeune femme trouve un allié au sein de la colocation qui lui fait vomir ses tripes en pleine nuit pour l’endurcir. Elowen déguste, progresse et se démarque.

T’es trop faible Elowen. Tu vas crever comme tous les autres. lui crache-t-il au visage.
Plus forte, elle attire les regards admiratifs autant que la jalousie. La colocation avec les autres recrues n’est pas simple et son tempérament sournois inquiète.

- « Nous ne devrions pas la garder, c’est une bombe à retardement. »
-« Elle est douée, très douée. Étrange, mais brillante. Brisez là. Façonnez-là à notre image. Elle n'en sera que meilleure.»


Année 5 . Le souverain légitime

Elle à trente ans lorsqu’elle débute sa cinquième année. Une année où tout bascule. Les réprimandes ne sont plus simplement orales, l'entraînement prend une dimension nouvelle et plus sombre encore. Ses fugues en pleine nuit sont réprimandées par les coups, les fouets et la magie de l’opale noire s’infiltre dans sa tête pour lui crier bien des mensonges : Tu es une abomination pour l’Archipel, les Ozova sont ta seule famille. La faim, la douleur, elle encaisse sans broncher et passe des semaines entières à l’isolement pour canaliser ses envies de rébellion.  C’est pour ton bien. répètent-ils sans cesse. La brunette se persuade qu’il s’agit d’un processus nécessaire pour devenir plus forte. Tous les moyens sont mis en place pour la rendre docile et loyale. Les rangs s'effritent, les plus faibles sont écartés, certains disparaissent totalement des radars, sans doute morts ou totalement fous, rongés par leur propre magie.

Tir à l’arc, leçons de combat, cours d’histoires (gorgés de mensonge, propre à l’endoctrinement), de théâtre et enfin, de magie. Puissante, vicieuse, elle se développe vite et est une arme dont ils ne peuvent se passer. Vipère malicieuse, Elowen se faufile dans les esprits et impose la noirceur. L’épreuve arrive et tous doivent finalement s’affronter. Cinq ans d’amitié pour se retrouver dans une arène du vice et de la mort ?  L’épreuve est un spectacle sanguinaire qui amuse les partisans sur les gradins. Par chance, elle n’a pas beaucoup d’amis ! La fillette n’est plus ce qu’elle était jadis, elle est sombre, dénuée de sens moral, prête à tuer sans le moindre haut le cœur… Durant 30 ans, elle n’a été qu’un cobaye et ne se pose plus la moindre question.

« Elle a vraiment percé les yeux de son adversaire ? » Un hochement de têtes à l'unisson des spectateurs blafards parvient à faire naître un large sourire sur les lèvres de ses entraîneurs lorsqu’elle brandit l’un des trois drapeaux.

Le coup d’état éclate sur la place centrale de Shova et tout ne se passe pas comme prévu. Les visiteurs se révoltent et les otages sont peu nombreux. La shaman n’est qu’une spectatrice de ce vaste désordre, perchée en haut de la citadelle. Son visage ne doit pas être vu sitôt pour ne pas être associé à l’Onyx.

« Archers ! En place. »  Son cœur palpite, ses yeux repères et du haut de la tour, les flèches fusent de toutes parts sous ses ordres. « Tirez ! » Les corps tombent, le sang coule, les cris de terreur la laissent admirative devant son œuvre.

Son binôme

Une douzaine de shaman à présent réunis dans la Citadelle de Fedja, voilà ce qu’il reste des nombreux cobayes du départ. Les plus forts, les plus fous, de quoi rythmer cette foutue vie en colocation. Les étincelles sont nombreuses et donnent lieu à des bagarres incessantes ainsi que des joutes verbales de haute voltige. Elowen n’a plus assez de doigts pour compter ses ennemis et s’enferme pour lire, encore et encore. Passionnée par ces créatures disparues, les dragons, elle est une cible facile pour les moqueries, ce qui ne l'empêche pas de dormir sur ces 2 oreilles. Parmis cette folle équipe, un homme se distingue toujours du lot. Plus fort, plus brutal, aussi tordu qu’elle, l’alliance se renforce entre deux punchlines bien placées. Sans lui, elle n’aurait jamais réussi sa première année et serait morte ou recluse depuis longtemps.

L’ennui pousse au délire et la shaman de l’esprit déborde d’idées stupides.

« Applique toi, on dirait le dessin d’un enfant de cinq ans.  » Elle grimace lorsque l’aiguille transperce sa peau pour la couvrir de noir. L’encre s’infiltre dans l’épiderme et les traces cours désormais sur son dos. Noyer le poisson d’un tatouage trop visible, symbole de sa nature de shaman, voilà l’objectif de la manœuvre. Les lignes se suivent, mais ne se ressemblent pas. Son histoire est écrite dans sa chair, comme le rappel de toutes les étapes franchies pour arriver au sommet. De ses flancs jusqu’à ses reins, les symboles s'enchaînent et s'entremêlent. Une occupation comme une autre…

« Ils ressemblaient à un troupeau de moutons paniqués, j’ai passé un bon moment.» dit-elle, les dents à l’air dans un sourire effrayant en se remémorant l’agitation de la grande place de Shova.

Le départ.

Un professeur - « Ne nous déçois pas. » Après tant de supplice et de travail acharné, l'échec ne fait pas partie de son vocabulaire. La jeune femme va enfin quitter Fedja pour prendre la température au sein de l’Archipel. Recruter, analyser, sauver sa peau, tuer si nécessaire, surveiller la progression de l’armée de naïades et rallier de nouveaux fidèles…

« Dégage tes pattes de mon épaule, tu vas me faire vomir. »
Un professeur - « Ne te laisse pas embobiner. Souviens toi..»
« que tu n’es pas la bienvenue dans l’archipel, que personne ne doit savoir pour qui tu travailles. Ne fait pas de vague, ne nous déçois pas..blablablabla. Tu comptes dormir devant ce navire ou me laisser embarquer ?  »

3 des nombreux espions de Velizar grimpent à bord d’un bateau pêcheur, les gagnants, les mercenaires fous.

Kalaan - « Je ne donne pas cher de notre peau, on n’a pas intérêt à être repéré. »
« Je ne donne pas cher de TA peau » dit-elle en croquant une pomme.
Kalaan - « Tu feras moins la maligne quand tu finiras à nouveau dans une cellule à parler comme une folle et à gémir ton ennui. Je t’ai entendu la semaine passée.»
« Kal ?  »
Kalaan - « Quoi ? »
«  Ferme là ou je te coupe la langue pour avoir la paix. »

Assise sur le bois humide, elle pivote et termine sa pomme tranquillement.