Boire ou ruminer, le choix est fait.

Le voyage fut plus rapide que prévu grâce au rythme soutenu de Thélème et du Salvatore. Le loup blanc fut soulager de rejoindre la terre ferme et après une halte à l’auberge pour ôter la saleté et l’odeur pestinencielle de son corps, il suivi sans broncher les pas de sa fille pour une pause bien mérité dans une taverne locale connue de Temerys.

La porte à peine franchie, les regards se posèrent sur lui, toujours soucieux de voir débarquer une montagne de muscles et des cheveux d’argent atypiques. Difficile de passer inaperçu avec sa carrure et son visage fermé. L’homme balaya la pièce d’un regard et bons nombres de visages lui étaient familiers. Une longue chevelure brune attira son attention sur son passage.

« Ta soeur ne t’a visiblement pas étranglé pendant le voyage, toutes mes félicitations. » dit-il à la silhouette longiligne qui lui tournait le dos. Encore elle. Malka. Un soulagement déconcertant le fit soupirer. Pourquoi diable était-il content de la savoir vivante !? Agacé par lui-même, il pivota les talons pour rejoindre le fond de la salle. « Ramène toi la vipère, c’est l’heure de boire un verre. »

Aussi étrange que cela puisse paraître, le mercenaire ne comptait pas rester seul ce soir et avait besoin d’un peu de compagnie pour penser à autre chose qu’à la menace qui planait au-dessus de leurs têtes, au-dessus de tout l’archipel. La taverne débordait de monde et l’agitation ambiante le fit grogner. Toutes ces embrassades, ces retrouvailles, c’était trop pour lui. Gnangnan à souhait. L’homme n'eut pas besoin de jouer des coudes pour rejoindre le fond car tous s’écartaient naturellement sur son passage. Les places assises étaient rares, mais un visage familier l'interpella à sa droite, entouré de sièges encore disponibles.

« Aikten ! Tu ne perds pas la main à ce que je vois.»  dit-il en jetant un bref regard sur la chope de bière au centre de la table. « Tu partages ? » Bon sang, il rêvait d’un verre, de deux, ou trois même, pour parvenir à se détendre un peu.

Sans attendre l’approbation du pirate, la chaise voisine racla le parquet et le loup blanc s’installa enfin.

« Je ne t’ai pas croisé depuis un moment. Je ne me rappelais pas que les pirates étaient doués pour rester discrets. » Car ils ne l’étaient pas ! « Es-tu allé sur Fedja, toi aussi ? » Si c’était le cas, la liste des idiots à s’être jetés volontairement dans la gueule du loup était bien, bien longue..

Sebastian s’enfonça dans sa chaise et étendit laborieusement les jambes sous la table malgré le peu de place. « Tu vas me laisser me dessécher ? » Il adressa un rapide sourire à Aitken pour insister sur ce besoin impérieux de prendre un putain de verre !

Retour à la terre ferme, les vivenefs avaient été rapides, bien plus que le New Calypso. Ce qui offrait à Malka quelques temps indéterminés d’oisiveté sur son île natale. Temps qu’elle comptait bien passer principalement dans des tavernes.

Un soir, une taverne, une surprise après l’autre… Ce soir-là, elle portait la robe que sa sœur lui avait confectionnée durant le voyage. Parfaitement taillé, beaucoup d’aisance et très séduisante.

La première surprise arriva dans son dos. Une voix grave et familière.
Elle s’étouffa avec sa bière.

« Sebastian ?! » Il devait forcément la suivre à ce stade, une idée qui la rendait particulièrement joyeuse. Elle se retourna pour lui sourire, oubliant très vite qu’elle avait sursauté. « J’ai déjà ma choppe, Seb… Pent. Bien qu’il faudra bien la reremplir à un moment… »

Elle n’allait pas se faire prier ! Elle suivit le colosse à travers la taverne, derrière lui c’était facile de se frayer un chemin au milieu de la foule. L’ambiance était joyeuse, une taverne de marins sur le retour et les événements de Shova ne s’étaient pas encore répandus à travers l’archipel. Ils étaient sans aucun doute les premiers à en revenir. Lev ne s’était pas ménagée durant le voyage, pas plus que les autres shamans de saphir. Le Carrery avait imposé un rythme infernal pour faire cette traversée en un temps record. Malka avait été autant impressionnée par sa sœur qui avait fait un sacré chemin depuis leur séparation, que par ce vieil homme, par sa puissance et sa maîtrise. Il avait poussé les deux navires avec une force qui laissait sans voix.

Et puis sur la table vers laquelle le mercenaire se dirigea, un autre très bel homme… Aitken… Ah ! Des souvenirs indécents. Malka se mordit la lèvre. Calypso était taquine. Voilà qu’elle se trouvait avec un homme avec qui elle avait couché à l’occasion et un homme avec qui elle voulait coucher à l’occasion.

« Bonsoir Aitken, toujours un plaisir de te voir. » Bien sûr, il était beau comme un dieu, le voir représentait un ravissement éternel pour les yeux.

Elle s’installa à côté de Sebastian.

« Tout de suite les sujets qui fâchent, Sebastian. »

Le mercenaire étendit ses jambes, et ça alors, il rencontra les siennes. Hors de question de se décaler, son pied vint même se caler sous son mollet. Levant les yeux au ciel, elle poussa sa pinte vers lui. « Ma salive n’est pas empoisonnée. »

Puis elle attrapa un serveur de l’autre côté, le regardant droit dans les yeux avec cet air souriant mais étrangement menaçant qui lui permettait d’obtenir rapidement tout ce qu’elle voulait.

« Mes compagnons et moi avons soif, jeune homme. » Assure-toi que nos gosiers ne soient jamais à sec…

« Alors, à quoi avez-vous occupé votre temps ces derniers mois, pirate ? »

Rares étaient les moments où Aitken était seul, une fois le pied posé sur la terre ferme. Il ne l'était d'ailleurs pas vraiment en cet instant, dans son coin de taverne, alors que le reste de l'équipage fêtait chacun·e à sa manière d'être encore en vie pour voir le soleil se lever et le vent gonfler les voiles du Sin Slayer. Nul doute que quelques regards familiaux -n'étaient-ils pas tous une famille à bord d'un foyer voguant sur les flots ?- se posaient plus ou moins régulièrement sur lui pour s'assurer de ses agissements. Mais Aitken ne se sentait pas -du moins pour l'heure- de jouer le peu qu'il a cette fois dans sa bourse ou, pire, les vêtements sur son dos, simplement de perdre ses pensées au fond d'une chope.

« Sebastian. » salue-t-il l'autre homme. « Ah, Malka également ! Je vais finir par croire que l'un ne va plus sans l'autre. Auriez-vous des confessions à me faire ? »

Voir Malka, toujours très en beauté, ramène de sulfureux souvenirs. Ils ont passé d'excellents moments ensemble, Aitken ne refuserait d'autres d'aussi délicieuses étreintes dans le futur. Il ne dirait pas non, aussi, à partager du bon temps avec Sebastian mais il ne se fait pas d'illusions de ce côté-là, le sujet a déjà été clair et Aitken n'est pas le genre à pousser qui que ce soit à faire ce qu'iel ne souhaite pas.

Les deux s'installent autour de la table. Voilà Aitken bien entouré. Il ne peut s'en plaindre. La solitude disparait autant du moment que de son esprit. Bien, il n'était pas loin de s'apitoyer sur son sort, ce qu'aucun n'aime subir alors que l'alcool coule à flot et que la compagnie n'est pas mauvaise.

« Hm, hm. Fedja a été une sacrée situation. C'est bon de vous voir, tous les deux, après tout ça. » confie-t-il, le nez dans sa chope, qu'il n'a pas eu à partager avec Sebastian. Malka fait preuve de son autorité naturelle auprès du serveur et ça a le mérite de le faire rire. Il a en effet soif ! Et la nuit sera peut-être longue et bien remplie finalement ! Il n'a pas idée de ce qui se passe sous la table, pas encore du moins.

« Tu sais bien, nous sommes allés par monts et par vaux sur le 'Slayer. Quelques pillages, quelques voyageurs, de belles découvertes. Nos affaires se portent bien. Je n'ai pas à me plaindre de Roanoke. » Le jeune serveur repasse près de la table pour y poser de nouvelles chopes, bien pleines. « Et vous deux ? Comment se portent vos familles ? Ta sœur, Malka ? Ta fille, Sebastian ? Quelles sont les nouvelles ? »

Bordel, la sorcière connaissait pas mal de monde dans l’archipel ! Étonnant, compte tenu de la froideur de leurs échanges jusqu’à ce qu’ils basculent dans..quoi, au juste ? Une amitié douteuse ? Non Malka n’était pas son amie voyons, juste une camarade d’aventures…

« Puis-je savoir d’où vous vous connaissez ? » Une question ciblée et totalement intrusive car l’homme percevait bien une familiarité surprenante entre eux. S’il n’était pas de nature à se mêler de la vie privée des gens, lui aussi aimait les potins des sept mers.

La voix stricte de la shaman interpella le serveur qui rappliqua rapidement suite à ses ordres pour remplir les verres et laisser à table de quoi assouvir une grande soif commune visiblement. L’agitation autour d’eux l’agaçait quelque peu, lui qui avait plutôt l’habitude de s’isoler dans son coin et de boire en solitaire, mais la présence de sa fille dans la Taverne lui donnait l’ambition de paraître plus… normal. Un brin sympathique et sociable.

« Fedja était et restera une île maudite, barrière des vents ou non, il faut rester éloigner de ces terres.» Un conseil qu’il n’appliquerait sans doute pas, lui qui vivait de son statut de mercenaire et de combattant. Tôt ou tard, on finirait par payer ses services pour y retourner et il accepterait la mission pour remplir ses poches. Le loup blanc s’empara de son verre plein et le délesta de la moitié de son contenu en quelques gorgées. Avant de faire flancher l'armoire de muscle, il pouvait se passer de longues, très longues heures de beuverie. Pour Malka en revanche.. il se souvenait l’avoir trouvé très guillerette à Oshaara…

« Ma fille me donne des cheveux blancs supplémentaires, Aitken.» Difficile de faire plus, mais l’image faisait rire. « Constate par toi-même, elle à l’air de bien s’amuser et je vous remercie de rester sagement à vos places si l’envie de me prend de coller une droite à ce jeune homme qui gravite un peu trop près. » Était-ce là une nouvelle blague ? Absolument pas. Six ans de tourments et de recherches, cela avait créé un énorme fossé entre eux. Dans ses souvenirs, elle n’était qu’une adolescente de quatorze ans bien loin de se préoccuper de la bière et des hommes. Ou des femmes, peut-être ? Il n’en savait rien et n’avait absolument pas envie d’avoir de démonstration ce soir-là. A ses yeux, elle était encore bien trop jeune !

« Des confessions ? Et, non… soupira-t-elle, exagérant sa déception, avant d’éclairer son visage d’un sourire taquin. Le mercenaire ne se déshabille pas facilement, t’as vu tout cet attirail ? »

Hilare de son propre humour, elle délaissa pourtant la conversation des deux hommes pour commander à boire, laissant Aitken répondre à ce qui était très simple en réalité : le monde des pirates est un petit monde, sur Kelona, tout le monde finit par se croiser un jour. Et Aitken est très bel homme en plus de ça. La shaman regretta de ne pas s’être assise entre les deux hommes, d'ailleurs.

Elle revint dans la discussion sur un sujet plus sinistre, dont elle ne partageait pas l’avis général. « Parle pour toi. » Elle y serait restée si sa sœur l’avait écoutée pour une fois. Pour apprendre et pour ne plus jamais se retrouver incapacité comme ils l’avaient été. Et elle y retournerait dès que possible, pour apprendre toujours, et pour les détruire le moment venu. Le chaos. Voilà ce qui la nourrissait. Le chaos, mais pour la bonne cause désormais.

« Pareil pour le New Calypso et Gavril. Sinon, ma soeur va bien… Elle m’accepte à nouveau dans sa vie. Je viens de faire le voyage sur son navire. Et non, Seb, elle ne m’a pas jeté par-dessus bord. Elle m’a même fait une robe. Elle attira l’attention sur cette magnifique tenue, aussi saillante que pratique. Tu n’as pas entendu les rumeurs Aitken ? Le Capitaine Stark, future épouse de l’héritier Carrery, c’est sur toutes les lèvres de l’île. Et si tu veux le fin mot, ils ne sont pas encore fiancés mais ça ne saurait tarder. » Mais peut-être ignorait-il que Stark était le nom de sa sœur, d’autant que Malka changeait de nom comme de chemise et qu'elle était même surprise de lui avoir déjà parlé de sa sœur. Ce qu'on pouvait être idiot après une nuit d'extase...

Le mercenaire répondit à son tour, et Malka le regarda, les sourcils levés, non sans avoir caressé, moqueuse, ses nouveaux cheveux blancs juste avant. Comme si dans sa chevelure on pouvait les distinguer !

« Tu rêves Sebastian si tu penses que je te laisserais commettre une telle atrocité ! Laisse-la donc s’amuser, ce n’est plus une enfant et si ce jeune homme est un con, Alya sait où frapper. »

La shaman n’avait aucun doute sur les capacités de la jeune femme à taper dans l’entre-jambes d’un idiot, elle avait bien assez de caractère. Quant à Sebastian, il allait au devant de gros problèmes avec une telle attitude.

« Tu n’as pas d’enfants Aitken ? » Pas de petits bâtards qui se baladent ? Quand on couche à droite, à gauche, c’est toujours le risque. Un sujet sur lequel elle n'avait pourtant pas tellement envie de glisser.

tenue:

D'où ils se connaissent... De vies antérieures, de moments volés au temps et à leur vie chaotique, de nuits échangées et sans lendemain, de beuveries et de rires. Si Malka ne répond pas, Aitken se contente d'un sourire charmeur en direction de Sebastian. Il sait mieux que quiconque l'important de ne pas révéler les secrets d'une dame, encore moins d'une femme telle que Malka. De toute façon, n'ont-ils pas mieux à faire que déterrer le passé ?

« Une île maudite, certes... Mais ne vivons-nous pas justement une vie d'aventures ? Nous avons survécu, nous avons défié le destin. Encore une fois. N'essayerons-nous pas de nouveau si la possibilité nous est donnée ? » Jouer avec le feu fait parti de leur vie quotidienne. Chaque abordage peut être le dernier, chaque traversée peut être leur perte, chaque rencontre peut être la pire. Malka confirme d'ailleurs son intention d'y retourner, donnant raison à Aitken. Mais le maitre d'armes n'a pas idée du pourquoi de ce désir.

Malka et Sebastian lui donnent des nouvelles de leurs êtres chers. Et évidemment, il les écoute religieusement, véritablement intéressé par ce qui se passe dans leur vie. Lui n'a comme famille que le Sin Slayer et son équipage, sa famille choisie, sa famille de cœur. « Un mariage ? Fabuleux ! J'ai grand hâte de te voir habillée en demoiselle d'honneur. Quoique je doute qu'une autre tenue te mette autant en valeur que celle de ce soir. Tu es sublime, une confiserie pour les yeux. En tout cas, mes félicitations à ta sœur pour avoir mis le grappin sur un homme. » S'il ignorait effectivement le nom de ladite sœur jusqu'à présent, Aitken en prend bonne note dans un coin de son esprit pour les prochaines fois.

« Laisse donc ta fille être une femme. Comme le dit Malka, elle sait certainement défendre elle-même son honneur. Je ne doute pas que tu t'en sois assuré. Profite donc un peu de ton moment. Tu risques fort de te mettre à dos ta propre fille si tu ne la laisses pas vivre sa vie. » Lui-même sait ce que ça fait d'être surveillé du coin de l'œil. Quand bien même comprend-il l'intérêt, respecte-t-il l'affection qui oblige les siens à agir ainsi, c'est parfois éreintant, insultant même.

Il manque d'avaler de travers à la question de Malka. Il repose sa chope. « A moins que ce ne soit une façon de m'annoncer quelque chose, très chère Malka, pas que je sache, non. Si c'est le cas, personne n'a daigné m'en parler et je t'avoue douter grandement de ma capacité à être père. Sebastian, tu es un saint que de prendre de telles responsabilités envers un autre être vivant, j'ai déjà bien du mal à prendre soin de moi-même tous les jours. » Mieux vaut reconnaitre ses faiblesses. Aitken a abandonné ses cadets sans un regard en arrière, sans chercher à savoir ce qu'il était advenu d'eux, alors un enfant, sa chair et son sang... Nan, même ça ne lui tire aucune envie d'être un parent.

Le regard du pirate ne laissait aucun doute possible. Malka et Aikten se connaissaient bel et bien, plus que prévu même, dans les moindre détails. Le mercenaire fronça les sourcils pour ne plus penser à cela, ça ne le regarderait pas, il espérait simplement ne pas tenir la chandelle ce soir-là.

« Je ne suis pas étonné. Je n’étais déjà pas étonné de te trouver là-bas. Fait attention, Malka.» Qui était-il pour donner des conseils après tout ? Lorsqu’il avait vu Malka à Oshaara, elle lui avait donné l’impression d’avoir envie de se racheter, de se refaire une identité loin de cette réputation qui collait à sa peau, mais sous ses grands airs se cachait une fragilité qu’il n’avait jamais entrevu, qu’il ne voyait d’ailleurs pas à cette table. Un masque fier, mais une femme que la vie n’avait pas épargné. Fricoter avec Fedja, avec le mal qui gangrenait l’île maudite, c'était risqué… très risqué.

« Un mariage prometteur, je dois l’admettre. L’héritier ne ment pas sur ses sentiments, il n’a pas cessé de sourire durant tout le voyage. C’est une belle nouvelle. Cette robe te va bien. » A merveille. Sebastian n’est pas doué pour les compliments, mais Aitken compense sa froideur avec de parfait éloges sur la tenue de la Shaman. En vérité, elle est très belle, mais ça pique la langue de prononcer ça à voix haute alors qu’il fuyait la présence de cette femme quelques mois plus tôt.

« Hum.. » ronchonna t-il sous les réprimandes de ses camarades. Il plongea les lèvres dans sa bière pour faire glisser ce sujet délicat. « Vous pensez que je crains qu’elle ne sache pas se défendre ? Je crains surtout qu’elle n’ait pas envie de le faire !  » Cette fois, il ne put s’empêcher de sourire et le masque froid de son visage se fissura en un homme plus accessible. « Elle avait quatorze ans quand on me l’a enlevée… je n’ai pas  vu ma fille grandir… alors l’imaginer avec un homme me donne des sueurs froides. » Il jeta un rapide coup d’oeil à sa progéniture qui semblait être contente et finit par se raviser et lui laisser de l’air.. « Je dois donc écouter les conseils parentaux de deux pirates célibataires qui s’amusent à passer du bon temps ensemble ? Hum.. je vois… » Pourtant, ils avaient un regard extérieur et.. ils avaient raison, surtout.

« Et maintenant, c’est quoi la suite pour vous ? Où serez-vous demain ? Les prochaines semaines ? Mes poches sont vides et je dois bien admettre ne pas avoir réellement hâte de me rendre au Palais Vestrit pour me faire payer ce foutu séjour de la mort. Je rejoins la garde des Carrery, par amitié, parce que je suis fauché et car l’héritier est perpétuellement inquiet pour ta sœur. Il ne va pas lésiner sur les moyens pour renforcer la sécurité de l’île. Aitken, la prudence est de mise en mer. Je doute que Velizar soit le genre d'homme à lancer des menaces en l'air. »

Sebastian termina son premier verre pour remplir le suivant : « mais il ne m’a pas encore payé, alors cette tournée est la votre  !  »

Demoiselle d’honneur ? Si seulement elle était certaine d’être invitée déjà… Rien n’était sûre mais elle n’en ferait pas une scène, d’abord elle préférait être au centre de l’attention, et ensuite, et bien, elle n’aimait pas plus que ça les mariages. Par amertume sans doute.

Elle préféra donc renchérir sur cette tenue et sur sa plastique à faire fondre n’importe quel glacier en un instant. S’il y avait eu une magie du feu, Malka en serait, pour sûr.

« Aitken, quel vil flatteur ! Mais tu sais bien que ce qui me va le mieux c'est encore de ne rien porter. » Elle adressa un sourire narquois au pirate tout en ignorant volontairement le mercenaire, puis plongea ses lèvres si coquines dans sa boisson, délicieuses bulles venant rafraîchir ses lippes. « Et voilà que tu t’y mets toi aussi, Sebastian. » Elle leva de son verre un regard moqueur à son intention. Cet homme n’était pas doué en compliment, c’était une évidence et le voir faire avait toujours quelque chose d’hilarant. « Ils forment en effet un très beau couple, et je ne ferais même pas de remarques cyniques. » Pour une fois… Cela donnait matière à réfléchir de voir un tel amour, qui ne voulait pas le vivre en étant témoin ?

Ce qu’elle n’avait pas précisé c’est que le New Calypso n’avait pas encore jeter l’ancre au large de Temerys, les vivenefs étaient plus rapides et Malka attendait son équipage, qui très étrangement, lui manquait. Et puis ils devraient bien l’attendre pour faire une veillée en l’honneur de ce bon vieux Ely s’ils ne réapparaissaient pas.

Elle changea de sujet en posant une question qui l’amusait, puisqu’ils venaient d’échanger sur la notion de parentalité. Une chose qui lui irait fort mal. Elle manque de s’étouffer avec sa bière en entendant la réponse d’Aitken.

« Ahah, non, je n’ai rien à annoncer et c’est très bien ainsi. Enfin me concernant, je ne sais pas de ce qu’il en est de tes très nombreuses conquêtes. L’avantage d’être une femme, ça messieurs ! Aucuns petits bâtards qui ne risquent de surgir de nulle part. »

« Tu as une intéressante notion de l’amitié, Sebastian. C’était du moins ce qui ressortait en l’écoutant, car il avait surtout l’air d’avoir accepté pour le rondelet salaire. Malka aussi avait été embauchée par le Carrery, mais vu sa réputation, elle ne devait rien dire à personne. Néanmoins, Sebastian devait être au courant puisqu’ils allaient devoir collaborer. Je vais rester par ici moi aussi, pour ma sœur, pour Beltane et puis c’est chez moi ici, j’ai du monde à voir. » Un mensonge. Elle n’avait pas de famille en dehors de sa sœur et des amis perdus de vue depuis une bonne décennie.

« Soit, je paye ma tournée, mais uniquement parce que je souhaite te saouler. » Et parce que, elle, elle avait déjà reçu une petite avance.

La main dans sa longue chevelure, elle regarda tour à tour les deux hommes, toujours narquoise. Et il ne lui avait pas échappé que Sebastian continuait de jeter des œillades inquiètes en direction de sa fille. Malka soupira alors et se leva.

« Tu ne vas jamais arriver à te détendre, n’est-ce pas ? Je vais aller la voir, moi, comme ça je pourrais te dire ce qu’il en est. Et si vous videz mon verre, pensez à le reremplir. »

Marchant avec un déhanché légèrement exagéré, juste pour le plaisir de les imaginer en train de la regarder, elle laissa les deux hommes entre eux, pour quelques minutes au moins.