Aes, demi-étoile

Boussole Toutes les belles histoires commencent par ''il etait une fois''. Sauf que ce n'est pas une belle histoire... Et il n'était pas ''une fois''... Il était deux fois une naissance...

Aesira et Aes. Oh non, leur parents ne sont pas les plus originaux.

L'histoire des jumeaux Sunrà commence avant leur naissance. Quand la famille Sunrà, puissante et surtout riche famille marchande, membre éminent de la guilde, commerce par la mer... Comme beaucoup. Sauf que, comme beaucoup, aussi, sûrement, leur flotte fini dans les abysses.

C'est le début de la décadence, de la dégringolade.

Madame et Monsieur Sunrà attendent pourtant un heureux événement... Tâché par les dettes qui s'accumulent.

En désespoir de cause... Ou parce qu'il n'avait plus rien à perdre, Monsieur se met aux jeux d'argent. Au début, ça marche bien, la chance du débutant, sûrement... Mais la réalité le rattrape et l'accoutumance aussi.

Famille en cours de déchéance, elle ne veut pas avoir les projecteurs sur elle... Pour l'instant. C'est donc dans le secret de leur manoir que la naissance à lieux... Les naissances même vu qu'il s'agit de jumeaux.

Une fille et un garçon. Le garçon est faible et chétif, il ne pleure pas et n'a pas un son. Ses poumons sifflent, il n'est pas souvent éveillé.

Il est malade.

On se demande s'il vivra, on se demande s'il grandira.

Mais un garçon... Ca coûte moins cher, ça n'a pas de dot... Et c'est plus facilement mariable... Contrairement à une fille.

Pourtant, faut bien en garder un pour sauver la famille. Si Aes ne survit pas, le fardeau ira à Aesira, point barre.


Mais il a survécu, jamais vraiment vaillant, parfois longuement alité. Il a pourtant suivi aussi assidûment que possible tout ce qu'on voulait lui inculpé. Ses manières étaient bonnes, ses connaissances excellentes. Il accumulait tout sans se poser de questions. Parce qu'il pouvait le faire à côté d'Aesira. Son oxygène, sa force, sa vie, son âme-jumelle.

Et puis, il y avait les beaux jours. Ces journées où il se sentait bien, où il pouvait être un gamin comme un autre et jouer avec sa sœur. Courir dans les couloirs, préparer des plans totalement abracadabran pour voler des gâteaux qu'ils iront déguster sous le cerisier devenu sauvage parce qu'on avait plus de quoi payer le jardinier. Aes aimait bien cet endroit. Il se sentait libre ici avec sa jumelle. Il était si bien cet après-midi avec elle.

Alors, ils se sont introduit dans la cuisine, Aes se prenait pour un personnage de roman, se faisant aussi discret que possible, se faufilant entre les différents obstacles, la chaise devenait une terrible montagne à gravir, le feu bouillonnant était un volcan sous-marin et la cuisinière, un terrible kraken dont il ne fallait surtout pas attirer l'attention ! Sauf qu'ils ont échoué ! Oh, le grand drame d'un enfant prit sur le fait, qui a un sursaut de surprise et qui lance malencontreusement sa main contre la casserole qui reposait sur le volcan sous-marin.

La douleur est immédiate, le cri et les larmes d'un enfant de six ans rameute les parents... Et l'excuse de cette marque sur sa peau devient la raison parfaite pour une nouvelle économie. La cuisinière est renvoyée.

Mais si le Aes d'aujourd'hui trouverait ça inadmissible, l'enfant n'en avait rien à faire. Il voulait juste rester dans les bras de sa sœur pour calmer la douleur. Il était persuadé qu'elle était celle qui faisait partir la souffrance, toujours.

Et puis les jours sont passés mais la brûlure n'est pas partie. Elle s'est transformée en fine cicatrice sur le tranchant de sa main. Elle le suivra tout au long de sa vie.

Mais elle l'a doublement marqué.

Parce que Sira était son Soleil, sa lumière. Elle était sa moitié et... Tristement, sa doublure.

Ils étaient jumeaux, ils étaient les même et, pour les plans des adultes, ils devaient le rester.

Alors on prit sa sœur. Et elle subit la même chose que lui... Sauf que la conscience appelle la souffrance et la douleur a du être bien plus lourde.

Il s'en est voulu, parce qu'il a vu les larmes sur les joues de sa sœur, il a vu la douleur dans ses yeux et au fond... C'était à cause de lui, s'il n'avait pas sursauté, il ne se serait pas blessé... Et elle n'aurait pas subit cette torture.

Alors, dans l'espoir d'être, pour une fois, celui qui fera partir la douleur, il s'est glissé dans le lit de sa jumelle pour que leur main marquées viennent se lier dans le silence d'une nuit étoilée.

Il le savait déjà, mais ça s'est renforcé : sa jumelle, il n'est rien sans elle.

Sauf qu'il a fallu avancer sans elle.

Un jour cloué au lit pendant que Sira jouait son rôle, il s'est passé quelque chose. Aes n'en pas de souvenir, la fièvre le laissait totalement déconnecté de la réalité. Il se réveillait et se rendormait, toussait, sifflait et sombrait à nouveau. Alors que lui luttait, sa jumelle subissait bien pire.

En dix jours, le monde s'est écroulé et il ne s'en ai pas rendu compte.

Un jour, elle n'est pas venue... Et il avait mal, le lendemain, elle n'est pas venue non plus... Et il avait mal.

Elle a disparu.

Son rétablissement s'est fait... sans elle.

Il a sut, même avec ses sept ans, qu'on l'avait abandonné. Et c'est le plus grand deuil de sa vie. Il a perdu son âme en perdant sa jumelle. Les larmes n'ont jamais été aussi amer.

Les leçons sont devenues ennuyeuses, fastidieuses. Il les suivait, évidemment. Parce que c'est ce qu'on attendait de lui. Le cerisier a pourri, les gâteaux n'ont plus jamais existé. Les aventures sont resté dans les romans, oublié sous le lit.

Mais il ne l'a jamais oublié, elle.

L'adolescence a été rebelle, il se met à traîner juste pour énerver, à répondre, à se faire la malle et à ne pas assister au rendez-vous prévu par son père. Il préfère aller apprendre à se battre au sabre, au couteau, au pistolet sur les docs. Il est doué en plus... Alors pourquoi s'emmerder à apprendre les langues oubliées du patois des îles voisines ?

Les seuls cours qu'il suit assidûment, c'est l'astrologie et la navigation... Il adore s'imaginer prendre un bateau et sillonner les mers pour retrouver sa sœur. C'est son but ultime.

Et ce rêve prend de plus en plus de place.


Pourtant, il est toujours flouté par les demandes incessantes du paternel pour redorer le blason. Les demandes sont parfois même extravagantes, irréalisables, poussé par son désespoir et son alcoolisme.

On t'as gardé pour que tu sauves cette famille ! Alors obéis-moi!

Et bien non, Aes, ça ne lui convenait plus. Ces mots étaient de trop. Ils ont abandonné Sira, ils l'ont privé d'une partie de lui-même pour n'être que leur pantin, celui qui permettra à nouveau aux Sunrà de faire parti de la Guilde, d'avoir un bateau... Ou deux ? Pourquoi ne pas être gourmand ?

Alors il faut qu'Aes joue, il faut qu'il fasse des deals qui sont évidemment des arnaques, il faut qu'il se vende au plus offrant, il faut qu'il travail, il faut qu'il assiste à des mondanités, il faut qu'il se fasse bien voir.

Il faut, il faut, il faut. Et rien ne fonctionne jamais.

Jusqu'à la demande de trop.

Il faut que tu couches avec une duchesse et que tu sois bon pour qu'elle en redemande et t'épouse.

Aes a un sourcil qui s'est haussé, il s'est haussé si haut qu'il s'est envolé. Il faut qu'il se prostitue auprès d'une duchesse qui n'a absolument rien demandé et qui est assez bête pour tomber amoureuse après un coup au lit ? C'est l'insulter lui et surtout ladite duchesse, qui pour le coup, n'a vraiment rien demandé.

C'était simplement trop.

D'autant plus que la gente féminine... Ce n'est pas pour lui. Il l'a répété mainte et mainte fois pourtant.

Mais bon, ce que lui veut, ça n'a jamais été dans les considérations parentales... Sinon, on lui aurait rendu sa sœur... Et donc son sourire.

On surveille tout ses faits et gestes.

C'est pour ton bien, tu connais ta santé.

Disait maman.

Mentait maman.

Parce qu'il avait encore ces piques de fièvres, oui, clairement, mais moins souvent. Et il n'allait pas passer sa vie ici.

Alors ce rêve... Il en fit une réalité.

Un jour, il est parti, juste comme ça. Il a menti, trouvé le prétexte le plus bidon possible et il a quitté la demeure défraîchie.

Son amour pour les étoiles et son excellence en navigation lui a permit de se faire embaucher sur le New Calypso.

Une vie de pirate ? Après que ses parents aient tout essayé pour renflouer les caisses ? Quelle ironie... Quel délicieux pied-de-nez aux parents Sunrà. Il deviendra riche à en faire pâlir son ivrogne de père.

Une vie d'aventure comme les romans qu'il lisait avec sa soeur étant enfant... Une vie, enfin...

Une vie de liberté et le moyen, enfin ! De retrouver son autre moitié d'étoile.

Il retrouvera Sira, il en a fait le serment.