Mind on fire

Casteel Da’Neer est un homme étrange que l’on met du temps à apprécier. Ses apparitions sont incontrôlables, soudaines et personne ne sait jamais vraiment ce qu’il fait de ses journées. De retour à Feyr après 4 semaines d’absence et de voyage, le Capitaine s’est contenté d’une brève apparition pour donner les ordres et faire embarquer l’équipage pour rejoindre Temerys. La bonne humeur des matelots sur le pont est palpable, mais lui est absent. Il va et vient, accompagné de deux autres imposants tritons qui le suivent comme son ombre.

Les trois hommes se lèvent à l’aurore et plongent avant que l’équipage se réveille pour ne revenir que tard dans la nuit et disparaître dans leurs cabines, épuisés. Ce qu’ils font ? Ils profitent du voyage à bord du Sea Hawk pour écumer la mer et repérer d’éventuels navires esclaves sur leur liste. Savoir où se trouvent ces bateaux de l’enfer dans un territoire marin si vaste est un travail harassant. Rentré la veille, il s’est contenté de saluer l’équipage à l’apéro avant de s’effacer à nouveau. Une ombre à peine visible, furtive et solitaire, comme souvent. Les expéditions sont terminées et il convie ses plus anciens alliés pour un bilan privé dès le début d'après-midi dans sa cabine où s’amassent des cartes, des croix de positions et des réflexions sérieuses qui finissent tout de même pas des rires aux éclats. Un homme ambivalent, un leader complexe, mais déterminé.

Après avoir manqué la première moitié du voyage, il ne va désormais plus partir et finira le trajet sur son bateau. La petite équipe privilégiée remonte sur le pont et le soleil couvre le ciel dépourvu de nuage de nuances roses, bleues et orangées. A son tour, le Capitaine se manifeste, entouré de cette aura troublante qui ne le quitte jamais. Ses sourires sont sincères, mais pincés, toujours un peu provocateur aussi. Il s’empare d’un verre de rhum tendu par son camarade et ses yeux se plissent sur la leçon de combat journalière qui rythme les fins de journée depuis le premier jour de navigation. Il penche la tête, observe et questionne. Pour une surprise, s'en est une !
|| C’est Heiura face à Scylla ?
« Oui Monsieur Da’Neer. Elle s'entraîne tous les soirs, elle progresse vite. »

En effet. En retrait, il analyse sa posture et ses gestes dépourvus d’hésitations face à sa meilleure combattante qui corrige ses pas et cherche à la piéger pour la faire progresser. Le Prince s’avance, verre à la main et se faufile dans les rangs de ceux qui regardent et apprennent du duel en cours. Ses yeux se fixent à nouveau sur elle pour une toute autre raison, une de celle qui l’agace de tout son être. Ses cheveux sont différents, une longue tresse qui lui rappelle les dames de la cours Royale de sa jeunesse, sa tenue, plus cintrée, plus affirmée. La jeune femme passe partout qu’il a cotoyé quelques semaines plus tôt semble s’être métamorphosée en son absence. Un signe ? Sans lui, elle avance mieux visiblement.

D’un pas vers l’avant, il se sépare des autres pour s’afficher et les langues avides de paris enfantins se taisent par respect.

|| Kian, donne moi ton épée.. Le jeune homme s'exécute et tend le bras avec l’arme souhaitée au bout des doigts. Casteel s’en empare et approche d’Heiura pour un échange.
|| Prend celle-ci. lui dit-il en la regardant sans détour dans les yeux l’air de dire , ne chipotte pas, fais moi confiance. Son épée est trop lourde et trop grande et de ce qu’il voit, Heiura est vive et agile, elle doit être équipée en conséquence pour ne pas ralentir ses mouvements. Sa vitesse est sa plus grande qualité face à Scylla qui réfléchit trop et lentement.

|| Dernier round! lance-t-il à voix haute. Avant de s’éclipser, il glisse des paroles plus basses à la jeune sirène. || Rejoins moi lorsque tu as terminé. Visiblement, elle a des choses à lui raconter sur ces dernières semaines.

Le Prince l’a évité plus que les autres depuis Feyr, non pas par manque de sympathie, mais car son absence à révélé en lui une faille dans son armure qu’il ne peut tolérer. Il a travaillé sur lui, s’est efforcé de ne pas penser à elle.. jusqu’à cet instant, où ses convictions viennent de prendre une douche  d’un simple regard.

Il recule à nouveau pour regarder les dernières offensives. Une qualité défensive nettement améliorée avec une épée légère et malléable… Avant la fin, il s'éclipse pour rejoindre l’avant du Sea Hawk, là où personne ne vient le déranger sans y être convié à l’exception de Nyrea, parfois.

Il est partie et Heiura a eu le temps de réfléchir. Elle a cogité, elle s’est regardée et elle a décidé qu’elle ne voulait plus avoir l’air d’une victime, ni d’une enfant. Elle a travaillé dur en son absence, entre les entraînements au combat et en mer et le temps passé avec cette étrange famille. Un mois pouvait sembler court, mais elle l’avait bien rempli. Elle commençait à se faire des amis, elle s’attendait plutôt bien avec tout le monde. Il n’y avait finalement qu'avec lui qu'elle avait des soucis. Même si en son absence, elle pouvait l’oublier ou du moins essayer.
Elle pensait souvent à lui et à ses mots, surtout lorsqu’elle se retrouvait seule.

C’est là tout le problème.

Elle lui en voulait toujours, ça, ça n’avait pas vraiment changé, mais elle n’était pas idiote et elle comprenait qu’il menait une lutte intérieure, ce qui était aussi quelque peu vexant.

Elle avait changé ses tenues, son allure, ses cheveux, elle s’était épanouie aussi, mais pas ses sentiments à son égard. Eux s'étaient arrêtés dans le temps.

Et puis il était revenu et il avait continué de l’ignorer, d’être là sans être là, pas que pour elle, pour tout le monde. Heiura embarqua sur le Sea Hawke sans en connaître autre chose que la destination.

Car malgré tout ce qu’ils pouvaient se dire et ce qu’ils pouvaient penser l’un de l’autre, elle lui faisait confiance. Et puis, enfermés tous les deux sur un bateau, il serait bien obligé de lui accorder un peu de son temps, non ? A elle ou simplement au groupe. Mais que nenni, il était toujours aussi absent et fuyant la concernant, sans doute. Il n’était quand même pas en train de fuir tout le monde pour la fuir elle ?

Tant pis, elle continuait d’avancer sans lui. Lorsque la mer était calme, elle emmenait ceux qui le souhaitaient à l’eau. Elle avait un petit groupe qui plongeait avec elle, certains n’avaient jamais mis le pied dans l’eau, alors elle leur apprenait à suivre les courants et à chasser, et tout pour survivre dans l’océan. Ces plongeons étaient source de joie, il arrivait souvent qu’ils attirent à eux un groupe de dauphins et surtout Heiura les poussait à jouer, à tester leur capacité.
Comme il était beau de voir le navire au coucher du soleil, entouré d’océanides sortant de l’eau pour faire des figures ! Heiura était rapide et agile, et elle avait un peu gagné en muscle, elle était douée à ce jeu-là, mais elle fut ravie de les challenger jusqu’à ce qu’ils fassent bien mieux qu’elle.

Un spectacle bien différent se jouait sur le navire en cette fin de journée. Heiura faisait face à Scylla, usant de toutes les techniques qu’elle avait apprises en essayant de profiter de ses points forts : son agilité, sa ruse. Scylla lui avait interdit d’user de ses pouvoirs et Heiura perdait toujours. Elle perdait, mais elle se débrouillait de mieux en mieux et elle ne s’économisait pas. Sa détermination manquait parfois de faire vaciller Scylla, mais la combattante tenait bon.
Elle avait déjà fait plusieurs passes, Heiura n’avait même pas vu qu’il était là pour une fois, elle ne s’attendait plus à le croiser si bien que son coeur manqua un battement lorsque sa voix parvint à ses oreilles et qu’elle tourna la tête pour le regarder et prendre l’épée. Une épée bien plus maniable pour elle.

Ses derniers mots la troublèrent et malgré une meilleure prise de son épée, lui demandant moins d’effort, elle ne parvint pas à gagner ce round non plus. Les océanides autour d’eux criaient et applaudissaient tandis que les verres se vidaient, le combat fut plutôt long car Heiura refusait de capituler malgré les assauts répétés et puissants de Scylla. Elle manqua par deux fois de le gagner, ce qui la fit râler. Au moins il y avait du suspens, de quoi faire plaisir à tout le monde. Et puis elle finit par se prendre un coup d’estoc sur le crâne qui la mit à terre. Scylla voulut s’excuser, car la brunette saignait, mais Heiura l’arrêta et lui serra la main pour la féliciter de sa nouvelle victoire.

Et sans attendre, elle rejoignit le prince à l’avant du navire, avec sa plaie sur la crâne et en sueur. Elle était bien trop curieuse, bien que toujours dans l’appréhension avec lui. Il voulait lui parler, et elle aussi, elle avait maintes questions qui attendaient qu’il veuille enfin lui accorder son attention.

« Bonsoir Rhyse. »

Elle vint prendre place à côté de lui, le cœur battant. Elle hésita à lui balancer un petit pique, pour rire mais qui pouvait être mal pris alors elle se ravisa et s’efforça de lui sourire, même s’il ne le méritait pas. Lui sauter à la gorge ne semblait pas être la meilleure façon d’entamer la conversation après plus d'un mois sans se voir.

Elle regarda derrière eux et aperçut Jaal, un jeune triton, un peu plus jeune qu’elle, qu’elle entraînait à la nage. Il lui avait demandé de lui parler pour elle, elle lui avait promis qu’elle le ferait dès qu’elle le pourrait sans préciser qu’elle avait bien du mal à avoir l’attention du capitaine. Elle lui fit un clin d'œil puis revint sur l’Orfeo.

« C’est dangereux ce que vous partez faire durant la journée ? Oui, elle ne l’ignorait pas. Elle ne les avait pas vu elle-même, mais elle avait fini par le savoir sans même avoir besoin de demander.
Jaal aimerait venir avec vous, il devient un très bon nageur. »

Et c’était vrai, et même visible : le jeune triton avait pris une belle musculature, il s’était bien développé. Un très beau jeune homme qui les regardait avec admiration. Difficile de dire qui il admirait le plus des deux. Car Heiura était devenue malgré elle - même si cela s’expliquait très bien, la porte-parole des plus jeunes océanides. Ils s’identifiaient facilement à elle, en tant que nés après la bataille et puis elle était douce et patiente, et elle passait du temps avec eux ; ils la savaient vaguement de sang royal et cela commençait à prendre sens pour eux.

Doucement mais sûrement, elle se faisait sa place.

« Quel est le but de ce voyage ? »

La voix de la sirène résonne à ses oreilles et un regard sur sa blessure et le sang qui roule le long de son front suffit à lui faire regretter cette apartée. Il grogne de l’intérieur de voir cette blessure déchirer le haut de sa tête alors qu’il souhaite en faire une combattante. Un paradoxe. || Bonsoir Heiura. Trop tard pour faire machine arrière, il l’a déjà tant évité qu’un peu plus ferait de lui un connard, un vrai.

Il soupire lascivement et regrette déjà ce qu’il s’apprête à faire ; s’isoler avec elle loin des regards pour soigner sa plaie. En retrait, un jeune triton ne les quitte pas des yeux, surtout elle et l’océanide comprend bien vite qu’elle s’est fait des amis, plus encore, qu’elle est devenue un repère pour les plus jeunes et les plus timides dont elle porte la parole. Étrange. C’est elle la timide qui cherche sa place, non ? Peut-être que ce n’est plus le cas.

||Moins que les cours de défense de Scylla visiblement. répond t-il avec une pointe d’amertume. Il a plongé durant plusieurs jours, mais n’a pas l’ombre d’une blessure contrairement à elle. || Nous écumons les mers pour trouver certains navires. Un territoire vaste et des mouvements incessants, ce n’est pas si simple de mettre la main dessus. Ils sont nombreux, discrets et tous armés jusqu’aux dents. Les trouver est une tâche ardue, les démanteler plus encore.

|| Jaal, un nageur ? Il nageait très mal à mon départ. C’est bien. Une façon plutôt froide de la remercier pour son implication. Les tritons doivent se former et être capable de fuir vite, d’attaquer bien. || Jaal ! Demain, à l’aube sur le pont avant. ! lance- t-il d’une voix grave et puissante sans effort. || Tu pourras aussi lui dire qu’il peut se manifester par lui-même.. Non pas qu’elle soit un mauvais porte parole, mais car il ne pensait pas effrayer les plus jeunes à ce point.

|| Suis moi Heiura. Il regrette, se traite mentalement de tous les noms d’oiseaux de l’inviter à lui emboîter le pas, mais le rouge ne cesse pas et contraste avec la blancheur de sa peau. Le Capitaine se faufile en prenant soin de la contourner sans même l'effleurer et rejoint sa spacieuse cabine, de loin la plus confortable du Sea Hawk. || Pour moi, discuter avec l’héritier Carrery, pour vous.. passer du bon temps ? As tu déjà participé aux fêtes de Beltane, c’est une jolie célébration. Voila les deux objectifs de ce voyage. Un objectif unique qui le concerne et un objectif commun : unir les troupes par des souvenirs positifs.

Casteel approche un bac d’eau propre et un linge blanc et revient aux côtés de la jeune femme, non sans une boule au ventre qui gonfle à mesure que les minutes défilent. ||  Je peux ? demande t-il en regardant la plaie. Une simple question polie, qui ne laisse pas de place au refus. Il humidifie ses mains et les approchent de l’entaille pour laisser son don de guérison se déverser sur sa peau et refermer les chairs. Il trempe le tissu et l'essore pour finir son ouvrage avec une douceur qui contraste avec l’image de dur à cuir qu’il entretient volontairement. Son geste se fige à quelques centimètres, ses yeux s'agrippent aux siens une fraction de seconde et il comprend .

Il comprend que ses efforts pour chasser son visage et cette conversation qu’ils ont eu avant son départ sont déjà réduits en cendre. Il comprend qu'il ne peut épouser cette femme et qu'il devra trouver un motif de refus plausible. Il se mord la lèvre et se déteste déjà pour la suite. Il avait un plan A, qui était celui de l’éviter. Un B, de savoir contenir cette foutue attraction qui le pousserait à enfreindre le premier plan et un plan C qui consistait à l’éloigner sur des missions contraires et éloignées des siennes en cas d'échec du second…

Le linge se pose sur ses tempes et retire le sang qui les couvrent. Si près, il n’a pas d’autres options que de constater le changement avec plus de précision. || Tu es.. différente. Elle ressemble aux autres femmes guerrières de ses rangs et même son regard brille d’une force nouvelle. || Mon absence te réussit, tu te défends bien. Il la sait douée pour la nage et la manipulation de ses dons, mais en vérité, il n’aurait pas mis un nodos sur des combats aux corps à corps ou à l’épée.

|| Comment se sont passées tes dernières semaines ? Tu sembles t’être faite une place dans l’équipe. L’éviter ne veut pas dire ne pas voir. Casteel est un fin observateur qui ne laisse rien au hasard et ses oreilles trainent partout, tout le temps. Heiura a fait un bond vers l’avant plus grand que la moyenne en si peu de temps. Sa peau détachée, il se recule immédiatement pour agrandir l’espace entre eux.

C’est bien ça le problème, lui avait-il dit sans plus de détail.
C’est toujours ça le problème, pense t-il secrètement derrière un visage fermé et hermétique.

Un masque qu’il a si durement travaillé qu’il n’a même plus besoin de penser à le mettre. Ses émotions personnelles ne passent plus et ne regardent personne. Casteel enfouit ses pensées et tente de se montrer agréable avant l’impact, avant de tout faire exploser en l’informant d’une affectation extérieure au Sea Hawk qui prendrait effet juste après Beltane.

|| Nous ne nous sommes pas très bien compris avant mon départ. As-tu des questions, Heiura ? Il stabilise le terrain en se montrant de bonne foi pour répondre à des interrogations générales. Sans doute à t'il espoir qu'elle voit ses propos à venir comme une marque de confiance plutôt qu'un éloignement volontaire.. mais il en doute.

« Ma faute, j’aurais dû l’esquiver. » La vérité c’est qu’elle poussait Scylla à y aller fort, à ne pas retenir ses coups afin de garder l’ascendant. Ce n’était pas la première fois, mais ce n’était pas bien grave. Heiura se soignerait elle-même plus tard.

Ce qui était intéressant c’était le sourire du jeune triton, ravi d’avoir obtenu une place à côté de son Prince. Est-ce qu’il réalisait, Rhyse, l’aura qui émanait de lui ? Ce qu’il représentait ? Depuis le départ à bord du Sea Hawke, Heiura recommençait à croire en lui, elle voyait enfin des choses se passer, devinait que des actions se mettaient en place et cela la rassurait. Car jusque-là, elle n’avait rien vu de sa vie, rien vu de ce qu’il lui avait promis. Sa fameuse présence prédominante à ses côtés… Tu parles ! Elle était celle qui le voyait le moins tant il l’évitait. Une pensée qu’elle préféra mettre de côté pour le moment afin de garder son sourire et sa bonne humeur.

« Tu lui diras toi-même demain matin. » Qu'il voit par lui-même le pauvre diable en train de bafouiller.

Sans se poser de question, elle le suivit, curieuse de découvrir sa cabine, de savoir ce qu’il voulait lui dire, pleine d’attentes et d’envies.

Une fois à l’intérieur, il écrasa aussitôt ses attentes sur le parquet avec la semelle de sa chaussure...


« Passer du bon temps ? » Son ton blasé ne laisse pas de place au doute, elle espérait pouvoir enfin se rendre utile, ou bien lui prouver qu’elle est capable. Et puis il approche avec un linge propre alors qu’elle est appuyée contre un meuble et alors elle comprend qu’il l’a emmené là juste pour la soigner.

Je peux ? Non !
Non, tu ne peux pas ! Elle a envie de hurler puis ressent une vive sensation de brûlure alors que ses doigts effleurent sa peau. Son pouls s’accélère, la blessure se referme et la sensation est agréable. Il est doux, tendre, étrange et pourtant ça lui tiraille les nerfs d'une façon qu'elle n'explique pas. Son regard se plonge dans le sien, tandis qu'elle repense à ses mots de la dernière fois. " Tu n'es pas repoussante, c'est là tout le problème. »


Dans son regard sombre, elle voit son désir. Elle sait ce que c'est, Heiura, elle a pris l'habitude d'être regardé ainsi. Même si venant de lui, c'est plus agréable, plus flatteur. Comprendre ça ne l'aide pas à le comprendre, bien au contraire.
Dans sa tête à elle, c'est plutôt une bonne chose dans l'idée d'un mariage à venir. Alors quel est le problème ?

« J'aurais pu le faire moi-même... Mais merci. » Qu'elle glisse presque timidement. Elle lui offre un sourire, il ne pourra pas dire qu'elle n'a pas essayé de repartir sur de bonnes bases. Elle est différente de l'extérieur, et elle a regagné en confiance en elle, c'était bien là son but à la base, trouver une apparence qui la fasse se sentir plus en phase avec elle-même. Elle n'est pas encore satisfaite mais c'est un bon début, compte tenue de ses moyens.
Elle veut qu'on la regarde et qu'on pense qu'elle a l'étoffe d'une Reine.

« Ton absence ? Elle fronce les sourcils tout de même, une fraction de seconde. Présent ou non, elle se serait entraînée pareil. Il ne va pas quand même pas lui faire le coup qu'elle se porte mieux sans lui qu'avec lui ? Certes, ce n'est pas tout à fait faux, mais c'était surtout parce qu'il l'évitait volontairement et qu'elle était en colère contre lui. Je n'ai pas gagné une seule fois, pas depuis qu'elle m'interdit d'utiliser nos pouvoirs. Mais oui, j'imagine que je progresse. »

Une nouvelle question et il recule. Elle le regarde s'éloigner, un peu perdue tant son expression change, redevient neutre et impassible, pire même : fermée et froide. Est-ce qu'elle a rêvé ce désir qu'il ressentait pour elle un peu plus tôt ? Est-ce qu'elle a rêvé parce qu'elle voudrait que ce soit le cas ?

« Bien. J'ai plutôt bon caractère, figure-toi ! » Taquine, son regard le défie un peu puis elle rit, espiègle. Que dire ? Elle a trouvé sa routine, s'est rapprochée de quelques personnes qui la rendent heureuse. Elle a réellement bon caractère, Heiura, de nature optimiste, simple, facile à vivre. C'est lui qui la tendait comme pas permis, l'énervait. Mais sa question suivante la fait éclater de rire un peu plus franchement.

« Des incompréhensions ? Des questions ? Sérieusement, Rhyse, j'en ai à peu près des centaines de chaque ! Je ne sais pas ce que tu attends de moi... Tu m’évites, tu ne me dis rien après m'avoir fait comprendre que je serais près de toi à suivre ce que tu fais réellement. C'est ce que tu as dit le premier jour, certes avant que je ne t'envoie ce verre à la figure... Il n'était peut-être pas nécessaire de revenir là-dessus. Elle haussa les épaules, s'efforça de retrouver son sourire et se focalisa sur les nombreuses questions qu'elle avait.
Où étais-tu ces dernières semaines ? De quoi vas-tu discuter avec l'héritier du duché ? Comment comptes-tu l'approcher ? Est-ce que je peux faire quoique ce soit d'autre que de prendre du bon temps ?
Si tu as déjà pris ta décision - même si cela serait précipité et que tu ne m'aurais pas laissé la moindre chance - et si tu n'as pas besoin de moi d'une quelconque autre façon, tu peux aussi bien me renvoyer chez mes parents. Pas que c'est ce dont j'ai envie, mais puisque je suis un problème... Pour toi. Je suis fière, mais pas au point d'avoir un égo mal placé et je ne suis pas venue pour être une épine dans le pied. »

Elle partirait, le cœur remplit d'amertume, mais elle partirait, si cela aide la cause des océanides. Même s'il lui serait très difficile de comprendre pourquoi. Visiblement c'est personnel, c'est quelque chose dans sa façon d'être, dans sa personne. Au fond, elle sait. Son voix est douce, elle essaye de ne pas être accusatrice mais elle pourrait comprendre que cela fasse monter le ton, encore. Que cela l'exaspère, encore, comme tout ce qui semble sortir de sa bouche. Elle commence à avoir l'habitude, Heiura.

Elle se relève alors, sans avancer.

Pourquoi ont-ils tous autant de mal à profiter des plaisirs simples de la vie ? L’homme a participé plusieurs fois aux feux de Beltane et ne se souvient pas de tout, trop ivre pour garder en tête tous les détails de ces festivités hors-normes. Cette fois, il sera raisonnable, au moins jusqu’à capter l’attention de l’héritier, ensuite, lui aussi s’accordera une pause bien méritée. || Je compte également profiter des fêtes. Les tavernes sont vivantes, les musiciens sont de partout.. c’est une parenthèse de vie qu’il faut savoir saisir. Personne n’est obligé de le suivre, mais l’océanide n’a que trop peu de moments comme celui qui se profile pour les gâcher à ruminer toute une nuit.

|| Je n’en doute pas. Elle n’est différente qu’avec lui et si la demoiselle tente d’être cordiale et calme, sa douce voix cache une réalité plus amer : il l’agace. Il l’énerve. Pour une fois, il ne fait pas exprès et s’efforce de jongler avec des émotions qu’il s’est interdit de ressentir depuis de longues années et même si elle ne le comprend pas, lui aussi se déteste d’avoir fait une promesse qu’il ne peut pas tenir. C’est un homme de parole, mais aussi un homme incappable de lui offrir de son temps sans prendre le risque d’y laisser des plumes.

Il va la blesser s’il continue. Il va se blesser en route. Une alliance et une amitié de longue date avec les Coveo dont il ne restera rien s’il joue les connards en charmant la jeune femme pour en épouser une autre. La raison doit dominer la passion, c’est une nécessité pour ne pas dévier de sa ligne de conduite. Les mots glissent sur son derme, le bouscule et le flot de questions et d’incompréhension se déverse dans la cabine comme une marée montante. Le Prince relève un sourcil et se pince les lèvres pour ne pas rire et faire exploser le calme qu’elle tente de conserver.

|| Je n’en n’attendais pas tant. Ses lèvres trahissent l’ébauche d’un rire qu’il estompe aussitôt pour tenter de répondre à ses questions. Enterrer la hache de guerre, n’est-ce pas ça l’objectif de cette entrevue privée ? Heiura sourit, le captive inconsciemment. Une frêle jeune femme en pleine transformation, qui prend son envole, s’affirme, se cherche pour mieux se retrouver. Il savait qu’elle le ferait un jour, mais n’avait pas imaginé un seul instant que la nouvelle version d’elle-même lui ferait perdre pied.

Casteel reprend la parole et se rapproche de son bureau en bordel pour répondre aux questions les plus simples. Lorsqu’il est question de plans, il n’est pas difficile à faire parler.
|| J’étais à Fedja avec Nyrea. Puis dans une drôle d’aventure avec une nouvelle recrue. Nymeria Calestis.   Doit-il lui en dire plus au sujet de cette femme ? Il ne le fait pas, par respect. ||  Je vais proposer une alliance à l’héritier Carrery. Nos forces armées contre les siennes. La menace de l’opale noire va pousser tous les hauts placés de l’archipel à préparer la riposte et en mer, nous sommes les meilleurs. En revanche, j’ai besoin de lui sur terre. Cyara Fahey se charge d’établir le contact. Et il espère qu’elle y parvienne. L’espionne lui a fait bonne impression, mais il ne l’a jamais vu à l'œuvre.

La suite en revanche n’a rien de facile. Heiura comprend que quelque chose cloche et le grand Casteel Da’Neer, ce pirate à la réputation sanguinaire que les surfaciens craignent à juste raison n’a pourtant pas une once de courage face à une Sirène qui lui arrive au menton et dont la stature disparaîtrait facilement près de la sienne. Lâcheté ou respect ? Les deux sans doute.

|| Approche. Il débarrasse des cartes pour en placer une en haut de la pile. || Hydore, ça te parle ? Son index pointe les ruines d’une ancienne cité océanide proche du Palais Royal. || Des bâtisseurs ont commencé à reconstruire dans l’ombre. Après Beltane, je veux que les meilleurs nageurs plongent. Il est temps de se réapproprier la mer dont on essaye de nous priver. C’est la cité la plus profonde et la plus difficile d’accès, les courants contraires sont puissants et les navires chasseurs tournent tout autour de la zone. Et donc ? Son plan se dessine dans sa tête. Heiura est la personne idéale pour mener ses idées à bien et par le plus grand des hasards, elle sera capable de travailler seule.. sans lui. Loin de lui. || J’ai besoin de toi à Ka’hauni. Tu dois former toutes les jeunes recrues à nager plus vite et plus loin, vous formerez une équipe de repérage pour indiquer à Nyrea la position des navires pirates à proximité afin qu’elle assure la sécurité lorsque nous plongerons. J’ai besoin que quelqu’un serve de guide et connaisse tout sur le bout du doigt.. quelqu’un qui sait nager.. Il relève le regard et s’assoit sur le rebord du bureau pour sonder sa première réaction. Sa tête bascule en arrière, il ferme les paupières une fraction de seconde pour trouver la force de sauter dans le vide.

|| Heiura.. ne m’en veut pas. Je.. je ne peux pas rester près de toi et tu sais aussi bien que moi pourquoi je t’évite. Il se relève, s’approche d’un pas. Il la domine de sa grandeur, mais ses yeux n’ont pas de mal à trouver les siens un peu plus bas. Si proche, il suffoque. Dans ses prunelles sombres dansent les flammes de cette foutue attirance qu'il ne veut pas ressentir, ni pour elle, ni pour personne. ||Je me suis fais la promesse de ne jamais dévier de mes objectifs et avec toi sur ce navire, je n’y arriverais pas. Elle est belle à se damner et n’a pas fini de s’embellir à mesure que son caractère va se façonner.

Tout ça à cause d’un verre de vin.
L’audace. La première de ses prétendantes à ne pas courber l’échine, à le défier avec fougue tout en ayant les mains qui tremblent..

Sa voix grave n’est pas piquante cette fois, mais les mots ne sont pas plus doux pour autant.

Elle perçoit l’ébauche d’un sourire et cela la détend, elle soupire, écoute ses réponses qui appellent d’autres questions. Elle était à Fedja. Pourquoi ne lui a-t-il jamais parlé de ses projets ? Mais elle le laisse poursuivre. « Nymeria ? » Ce qui veut dire que Nymeria va bien ? La sirène était comme une grande sœur pour elle, le serait encore très certainement, elle espère alors que ce navire la mènera jusqu’à elle. Il continue de répondre à ses nombreuses questions et commence à espérer qu’il a toute la nuit à lui accorder, parce qu’elle en a bien d’autres. Évidemment, il évite pour le moment la plus délicate, celle qui brouille son ventre, mais il semble les traiter dans l’ordre alors elle patiente, écoute, et… Elle aime ce moment avec lui, un moment qui lui est réservé qui plus est.

Les Carrery, alors ? Les Makani et les Feyrborn soutiennent déjà les océanides, mais ce sont des îles plutôt passives. Heiura a été éduquée sur la politique de l’archipel, et si les choses doivent changer, Temerys est sans doute la meilleure candidate. La famille ducale est riche, les Carrery sont réputés pour être très bien informés… Et même s’ils laissent faire l’esclavage, ils ne l’encouragent pas comme sur Oshaara ou les Quatre Vents.
Cyara a des talents indéniables pour établir des contacts. Un bon choix.

La sirène acquiesce doucement, mettant ses questions de côté. Puis elle s’approche à sa demande, regarde la carte. Hydore ? « Bien sûr ! » Elle a tant entendu et tant adoré les récits de la vie des océanides avant Anevine et de ces cités sous-marines splendides, de pierres blanches recouvertes de coraux, des bancs de poissons scintillants entre les arches. Elle relève le regard vers lui et sourit. Refonder l’une de ces cités, c’est un rêve dont elle n’osait rêver ! Elle se serait contentée d’aller visiter leurs ruines.

J’ai besoin de toi. Ces mots la font vibrer dans tout son être, et pourtant elle se rembrunit. Là-bas. Loin de toi. Elle en est honorée et elle le ferait, tout en ressentant une terrible opposition. Elle ne peut s'empêcher de penser qu’il cherche à l’éloigner de lui, ce qui lui fait mal. Dis-moi au moins pourquoi, sois honnête…

Une grande inspiration et il se jette à l’eau. Alors elle avait raison, il cherche bien à l’envoyer loin de lui. Parce qu’elle l’attire ? Ça n'a toujours pas le moindre fichu sens. Elle relève le regard vers lui, retrouve ses prunelles brulantes et s’y accroche. Elle la sent aussi, cette attraction presque chimique, puissante, un peu destructrice. Elle a envie de le gifler et de l’embrasser, et pourquoi pas les deux, l’un après l’autre ? Elle lève une main... Et la pose contre sa joue avec délicatesse après une courte hésitation, elle prend aussitôt une décharge électrique, mais malgré un petit sursaut, elle n’arrête pas son geste et dessine avec douceur le contour de son oreille. Alors elle comprend sa réaction au Moonshiner... Elle avait envie qu’il la voit comme une femme, une femme désirable puis le fait qu’il l’évite l’avait frustré au possible. Toute cette colère venait du plus profond de ses entrailles. Une envie viscérale d'être avec lui, proche de lui.

« Je le réalise mais je ne comprends pas… En quoi, je te fais dévier de tes objectifs ? Laisse-moi parler, je t’en prie.
Quand j’ai retrouvé ma liberté, je me suis promise que plus personne ne me toucherait, plus jamais. J’ai vite changé d’avis. Grâce à toi, à tes mots que j’avais besoin d’entendre. Pourquoi devrais-je m’imposer une vie entière à être malheureuse ? Je peux encore aimer et désirer. » Et je te désire… J’ai donné mon cœur à quelqu’un d’autre pour le moment, mais cela n’empêche rien. Et il y a bien une chose qu’elle a apprise là-bas : tout le monde a besoin d’être aimé et désiré, les gens sont même prêts à payer pour avoir l’illusion de l’être. Et la plupart de ses clients étaient des êtres malheureux qu’elle avait trouvé touchants malgré tout. Elle a même eu des clients dans son genre, des hommes puissants, accablés par le poids des responsabilités qui venaient chercher une façon de relâcher la pression, qui venait se faire mordre pour souffler un peu.

Pas qu’elle le compare à l’un de ces hommes, loin de là même. L’ironie dans tout ça c’est qu’Heiura n’a jamais été avec un triton, elle n’a même jamais fait l’amour sous sa véritable forme. C’est même un peu triste, mais point le sujet.

Avec sa main, elle l’empêche de détourner le visage, de fuir.

« Tu es humain, avec des envies et des besoins que tu ne devrais pas refouler. Toi plus que n’importe qui, tu dois évacuer le fardeau qui pèse sur tes épaules de temps à autre. Se perdre quelques heures dans les bras d’une sirène, ce n’est pas dévier de tes objectifs, ce n’est pas une distraction.
Il y a des parenthèses de vie qu’il faut savoir saisir, Rhyse…

Je n’ai peut-être pas l’étoffe d’une Reine, mais je le pensais quand je t’ai dit que tu pouvais me rejoindre à toute heure du jour ou de la nuit. » Pour parler, pour trouver le réconfort de bras aimants, pour plus que ça désormais. Elle s’était promis d’être un soutien pour lui lorsqu’elle était venue le retrouver à Terrylia.
On pouvait attendre bien des choses d’une épouse, s’il voulait une créature aimante et maternelle, un refuge au sein duquel il pourrait oublier tout le reste, elle était un excellent choix. S’il attendait plus, quelqu'un qui règnerait avec lui, une force de la nature capable d'entraîner le peuple avec lui, peut-être qu’elle n’était pas la bonne. Elle le comprendrait et l’accepterait.

Mais si elle n’était pas son épouse, elle pouvait être sa maîtresse.

« Écoute ta raison pour choisir celle qui tiendra ton bras. Mais ne te prive pas des bonheurs simples de la vie. Personne ne te demande de le faire, sauf toi. »

Elle est certaine que s’il cède à ses pulsions, il serait un meilleur nageur le lendemain. En meilleure forme et plus attentif. Alors, bien décidée à lui faire comprendre que c’est un besoin essentiel et non juste un plaisir futile, elle se pousse sur ses pointes de pied, approche son visage du sien, mêle leur souffle puis elle l'embrasse, sans pudeur.

L’animosité glisse un temps pour laisser place à une émotion commune au sujet d’hydore : l’euphorie. Heiura n’a pas connu la cité, détruite avant même qu’elle n'ait vu le jour, mais semble se réjouir autant que lui à l’idée d’une nouvelle aire, d’un retour aux sources. Les rumeurs qui circulent au sujet de ces hommes et de ces femmes de l’ancien peuple qui ont œuvrés dans l’ombre pour offrir une étincelle dans les ténèbres qui rongent les âmes meurtries par l’anéantissement d’un peuple et de ses traditions ne sont pas que des chimères ou de simples bruits de couloirs. Lorsqu’il se projette dans cette œuvre, Rhyse sent une flamme intérieure se raviver. Il n’a aucune idée de ce qu’il trouvera sur place, mais sait déjà qu’il peut compter sur ses équipes de plus en plus grandes et impliquées pour le suivre dans cette expédition. Il peut aussi compter sur elle, visiblement.

La colère cède sa place à l’incompréhension et le Prince s’en veut déjà de se montrer si dur avec elle alors qu’elle fait de son mieux pour s’impliquer, prête à se soumettre à une vie malheureuse pour offrir du bonheur à d’autres. Un sacrifice admirable, mais qu’il ne sait cautionner. La jeune sirène est à présent tout près de lui. Elle se cramponne à son regard, ne démord pas et l’empêche d’en placer une. Il se pince les lèvres et hésite à clore ce sujet épineux, à demander l’arrêt définitif de cette conversation qu’il juge trop intime. Il l’a pourtant conduite ici, à l'abri des regards alors qu’il pouvait la soigner sur le pont ou demander de l’aide à d'autres pour cette tâche. Ses paroles sont en constante contradiction avec ses gestes. Il veut se détacher d’elle, ne pas penser à elle pour autre chose que ce fameux camp de formation pour les jeunes océanides, ne pas s’agacer contre elle simplement car il ne parvient pas à canaliser sa propre fougue à son égard.

|| Bien sûr que tu le peux Heiura, je pense toujours ce que je t’ai dis et j’espère que tu sauras profiter de ta vie de la meilleure des manières, mais pas avec moi. Pas comme ça. Une dualité dans ses émotions s’est installée dans sa tête. L’homme est tiraillé entre cette envie déraisonnable de la plaquer contre le mur le plus proche et de couvrir son corps de mille et un baisers, par le respect qu’il a pour elle et sa famille qui l’empêche de faire d’elle sa maîtresse ou une simple amante et plus encore, qu’elle agisse avec lui par réflexe, contrôlée par un cet instinct de survie qui lui a appris à déceler l’envie des hommes et d’y répondre de la meilleure manière.

Les doigts fins de la demoiselle se posent sur sa joue et l’homme se dresse, par défense. Sa peau brûle sous le contact et une petite voix lui hurle de reculer alors qu’il est figé comme une statue de marbre, incapable de ne pas la regarder, de ne pas l’écouter cette fois.

|| Je ne ferais pas de toi ma maîtresse, Heiura ! J’ai un profond respect pour tes parents qui ont soutenu les miens et je sais qu’ils m’apprécient en retour. Il décroche sa main de son visage et la presse entre les siennes. Sa voix est calme, sans animosité. Evidemment qu’il à le droit de profiter de la vie, de la chaire, mais pas avec n’importe qui et certainement pas avec un membre de son équipage, avec une femme qu’il connait depuis plusieurs années et qu’il doit apprendre à traiter avec plus d’empathie. Depuis toujours, Casteel aspire à devenir un grand leader, il veut revendiquer la couronne et devenir un référent comme l’était son géniteur de son vivant, alors non, il n’a pas le droit de jouer les célibataires frivoles en se glissant dans les draps d’une femme sous pretexte qu’il la trouve incroyablement séduisante.

Heiura est complexe, pleine d’ambivalence. Elle est la glace et le feu, la pudeur et l’audace. Des manières délicates qui deviennent féroces avec une épée dans entre les doigts. Les différents aspects de sa personnalité le pousse sans cesse à se remettre en question et c’est ainsi qu’est née la chaleur dans son bas ventre, la lumière dans le noir de ses yeux, l’agitation de son pouls lorsqu’il est à moins de quelques mètres d’elle. Une forme d’admiration pour une force de la nature qui n’a pas conscience d’en être une, une survivante si chétive qu’il pourrait la broyer en quelques tours de bras.

La jeune femme se hisse sur la pointe des pieds et ses lèvres se retrouvent tout proche des siennes. Les souffles se mêlent, s’apprivoisent, dansent ensemble plusieurs secondes. Casteel se fige et suffoque dans ce corps dont il n’a plus le contrôle. Pourrait-il épouser cette femme ? Il n’en n’a plus la moindre idée. Il ne se souvient plus de ses plans de demain, n’a plus aucune notion de l’heure qu’il est et sans crier gare, elle l’embrasse. Le contact de sa bouche le transperce de toute part et sa langue cherche la sienne pour plus de passion.

|| Heiura ! A quoi joues-tu putain !? En une demi seconde, il a libéré son corps du sien et mis un terme à l’emprise de cette femme sur ses sens.. du moins, il l’espère. Penses-t-elle être sur ce maudit bateau bordel ?! Être un objet avec lequel il peut jouer !? Voit-elle en lui l’un de ses bourreaux. Casteel s’agace et se remet à faire les cents pas. Sa voix est colérique, mais ce n’est que le symptôme d’une carapace qui se fissure malgré lui.

|| Tu n’es plus là-bas ! Tu n’as pas à faire ça. Je n’attends pas ça de toi ! Je ne suis pas ce genre d’homme Heiura ! Ses poings sont fermés et dès qu’il tourne la tête pour tenter de la regarder sans plier, il retombe. Un tour, deux tours, il s’insulte intérieurement et retourne près d’elle avec plus d’ardeur.

|| Bordel, foutues convictions pourries! J'irais en enfer. La passion est trop forte et le Prince lâche prise. Son corps tout entier la réclame, elle, aucune autre. Il s’empresse de l’embrasser, de retrouver le contact de ses lèvres avec plus de fougue cette fois-ci. Regrettera-t-il son geste ? Sans l’ombre d’un doute. Veut-il cesser ? Absolument pas.

Ses bras se gonflent et il soulève la demoiselle sans fournir d’effort, la porte jusqu’à ce foutu mur qui lui fait de l'œil depuis de longues minutes et plaque son dos contre celui-ci sans la blesser. Son cou dénudé s’offre à lui et il ne rêve que d’y goûter. Chaque centimètre. Chaque aspérité. Les baisers ardents s'enchaînent. || Dis moi que tu ne te forces pas. Pitié. Sa culpabilité est lourde, mais son désir est plus fort encore. Ses jambes entourent sa taille et le symbole de sa virilité se dresse, ses muscles se tendent et son parfum l’enivre. Il la veut. Là. Maintenant. Elle.

Mais Calypso est joueuse et le rappelle à l'ordre de la plus vilaine des manières.

On frappe à la porte. Une fois, puis une autre.

L’héritier cesse son exploration et la regarde, haletant et presque fou avant de la déposer en douceur..

« Capitaine Da’Neer. Un navire en approche. Nous ne savons pas qui ils sont, mais ils sont armés. »

La passion face à la raison, tout ce qu’il redoutait au fond de lui se matérialise en un instant.
|| Bon sang Heiura, je n’aurais pas dû.. Céder si vite, si fort, sans retenue ni self contrôle.

|| Je vous rejoins. Tonne t il pour faire déguerpir le perturbateur de sa porte.
« Dois-je prévenir Scylla pour plonger avec vous, Capitaine ? »
|| Ce n’est pas la peine. Le leader est de retour, décontenancé par l'enchaînement des événements.
Il relève les yeux vers elle sans savoir que dire pour qu’elle oublie ses excès. Elle veut le connaître ? Ainsi soit-il.

|| C’est toi qui plonge avec moi aujourd’hui. Nous devons aller voir plus près. D’ordinaire, le Capitaine ne part qu’avec Scylla, un binôme bien rôdé en mer comme sur terre, mais le monde change…

Pourquoi ?
Pourquoi pas avec toi ?
Qu’est ce que cela change ?

Le contact physique, pourtant léger et déjà électrique, lui fait comprendre qu’elle en a envie. Ça lui brûle le derme et le bas-ventre, lui chauffe tout son cœur à une vitesse. Ce qu’elle ressent pour lui, ce n’est pas de l’amour mais c’est impérieux. Elle n’aurait rien osé s’il n’avait pas avoué. Elle ne se pose pas de questions, elle suit son instinct, ses envies.

« Qu’est ce que mes parents ont à voir là-dedans ? Qu’est ce que le respect a à voir avec le désir ? » Si elle est parfaitement consentante ? Il peut faire d'elle sa maîtresse, son amante et la respecter, pour ce qu'elle en sait, cela n'a rien d'incompatible. Tout est une question de comment il la considère. Elle n’est ni jalouse, ni envieuse, ni possessive, Heiura. Elle en a autant envie que lui, et le fait qu’il décroche sa main l’agace mais elle ne dit rien. Elle ne dit rien mais elle ne fait pas rien, parce qu’il n’a pas su s’éloigner, ni quitter son regard. S’il a peur d’oser, elle n’a plus peur, elle. Et elle n’est pas un temple sacré qu’il est interdit d’approcher.
L’idée la défrise.

Ses lèvres trouvent les siennes, leurs langues se mettent vite à danser ensemble, ce n’est même pas elle qui est venue chercher la sienne. Son corps se rapproche du sien. Il y a tant de tensions qui s’échappent en quelques secondes. Mais pas longtemps, car il la repousse et toutes les tensions reviennent, se démultiplient. « Je ne joue pas. » C’est un orage, un feu de forêt, qui va se manifester autrement s’il continue de lui parler comme ça.

« Je suis libre, je le sais parfaitement, merci. Ce que tu peux être agaçant ! » Mais pourquoi est-ce qu’il l’énerve autant, hein ? C’est pourtant évident. Elle le regarde faire les cents pas, les yeux noirs de frustration et un peu incrédule. Ce rejet est dur à encaisser, ses sous-entendus encore plus, elle a envie de le frapper à nouveau, de lui envoyer de l’eau à la figure, n’importe quoi qui l’aiderait à passer ses nerfs s’il ne veut pas lui donner ce qu’elle attend vraiment : la jouissance.

Calypso, elle n’en aura pas à en arriver là car il revient à elle. Elle passe ses bras autour de sa nuque, l’embrasse avec autant de fougue. La passion entre eux est inouïe, vibrante, tellement évidente. Elle n’a jamais ressenti un tel besoin primaire. Il n’y a plus rien d’autre qui existe que lui. Lui, Rhyse. Lui, l’homme. Lui, son corps. Qu’il soit Prince, elle s’en contrefout. Leurs corps se trouvent et se comprennent si bien, une synergie qu’ils n’ont pas autrement, assez étrange. Il la soulève et dans le même temps, elle s’accroche à lui, enroule ses jambes autour de sa taille, bien heureuse de cette nouvelle tenue dans cette situation. Elle pense au mur et son dos le trouve. Elle glisse doucement pour que son entrejambe en feu trouve sa virilité. Il n’y a plus que le tissu pour les retenir, ce maudit tissu. Elle se cambre pour s’appuyer encore plus contre lui, pour savourer les baisers dans sa gorge.

« Tais-toi, par pitié. » Qu’elle souffle, entre deux gémissements. S’il ne voit pas son plaisir, alors il est aveugle. L’alchimie entre eux n’a pas d’égale. Peut-être que c’était juste ce qu’elle voulait depuis le début, partager sa couche ? Elle n’en sait rien, elle ne se pose aucune question en cet instant, elle profite, persuadée d’être exactement là où elle doit être.

Jusqu’à ce que l’on frappe à la porte et qu’elle soit reposée au sol. Il s’éloigne, elle aussi ; elle se penche au-dessus de la carte et fait mine de la regarder pour reprendre ses esprits pendant qu’un homme donne des informations au Capitaine. Elle allait lui dire de ne pas être trop doux, et elle n’a que cette phrase en tête. Difficile de reprendre ses esprits, alors que la température est montée si haut et si vite.

Il exprime des regrets, elle s’y attendait et se contente de fermer les poings. Elle, elle n’en a aucun si ce n’est qu’ils n’aient pas pu finir. La chair de poule toujours sur sa peau, elle se redresse et acquiesce. A ce stade, elle dirait oui à n’importe quoi. Plonger dans l’eau froide ne lui fera pas de mal par ailleurs. Elle prend la direction du pont, le visage fermé, les pupilles toujours dilatées de désir.
Sans l’attendre, elle se déshabille et plonge, se transformant en plein vol. Elle nage un peu, retrouve ses esprits et se concentre puis le retrouve. S’arrête un instant lorsque son regard se pose pour la première fois sur le triton. Il est beau, beau à se damner. Elle ne l'avait encore jamais vu. Cela ne dure que quelques secondes, car ils ont plongé pour quelque chose de sérieux et dangereux, elle en a parfaitement conscience.

Elle plonge alors plus profondément et suit ses instructions.

Casteel soupire et jette un regard glacial au triton qui le dévisage sur son passage pour le défier d’oser faire circuler la moindre rumeur. Le Prince emboîte le pas d’Heiura, il n’y a pas une seconde à perdre ! La jeune femme le devance et plonge en un rien de temps sous les regards médusés des matelots qui s’ennivrent sous le couché de soleil déjà très bas. A son tour, il chasse les vêtements de son corps et lorsque sa peau trouve la fraîcheur de l’eau, la transformation opère. Ses membres se couvrent d’écailles d’un vert profond, de la même couleur que la nageoire du grand Coirseus, une teinte relativement rare chez les océanides masculins. Il tournoie, ondule et apprécie le calme de la mer pour refroidir ses pensées et son corps tout entier qui se sont embrasés dans la cabine face au charme de… où est-elle ? Heiura nage quelques mètres devant lui et la vision le submerge.

Elle est splendide.

Aucune robe sur terre ne vaut la beauté d’une Sirène sous sa forme véritable à ses yeux, de celle-ci en particulier. Sa finesse, son agilité et sa beauté irradient et l’homme se sent bien naïf d’avoir espéré retrouver un semblant de sérénité en plongeant aussi vite que possible. || On s’approche, mais reste discrète. Le navire aperçu par le guetteur du Sea Hawk est à quelques kilomètres de nage, une formalité pour des nageurs aguerris. Sans surprise, Heiura est plus rapide et sa silhouette élancée lui offre vitesse et maniabilité quand, lui, incarne la force océanide à l’état brut. Ce contraste était déjà très présent entre sa mère et son père, du peu de souvenir qu’il garde en mémoire de leurs expéditions en famille.

Le triton et la sirène avancent en silence pour rallier la coque par le dessous. Il n’est pas question de se faire voir, ni d’attaquer à l’aveugle en cas de menace, simplement d’avertir les troupes d’un potentiel danger. Casteel lui fait signe de contourner le navire par la droite, tandis qu’il remonte à gauche, inutile d’agiter les vagues au même endroit. Ils doivent trouver un détail, n’importe lequel et celui-ci ne se fait pas attendre longtemps : le symbole des Feyrborn danse dans les airs, sur les voiles du bateau marchand. Un navire de la Guilde parfaitement identifiable et théoriquement sans danger. En principe, ils ne se montrent jamais hostiles sans avoir été convié préalablement au défis et Casteel ne compte en aucun cas déclarer la guerre à l’une des familles ducales.

L’homme s'engouffre dans les profondeurs et plonge plusieurs mètres en dessous de la surface pour ne pas être repérable. A cette distance là, les humains à bord n’y verront qu’une ombre semblable à celle d’un gros poisson. || Fausse alerte. C’est un navire Feyrborn, tu es d’accord ? A t-elle repéré quelque chose de louche ? Heiura semble pensive et tendue. Est-ce que sa présence l’incommode ? N’est-elle pas à l’aise de prendre ce genre de risque à ses côtés ? Il pensait pourtant lui faire une faveur en laissant Scylla à bord.

Décidément, les femmes sont complexes, surtout celle-ci ! Avec elle, il ne sait plus quoi dire ou quoi faire pour ne pas l’agacer et pour rester sur la même longueur d’onde et pourtant, le danger écarté, l’héritier se sent à sa place. Bercé par les courants, il rallonge le chemin retour en prenant des virages ici et là pour l’attirer à lui, provocateur.
Ses barrières mentales sont tombées dans cette chambre et il n’a pas envie de les dresser à nouveau. Pas tout de suite, du moins.
Rhyse est de retour, souvent enfoui sous la carapace solide et froide du Capitaine Da’Neer. Il tourne autour d’elle, la couve d’un regard sulfureux que l’eau ne refroidit pas.

|| Tu es très belle. Ses lèvres piquent, pulsent, lui lancent un nouvel appel qu’il ne va pas réprimer longtemps. Loin des regards indiscrets, loin du navire marchand et de son propre bateau, perdus au milieu d’une étendue d’eau sans limite, l’océanide se rapproche d’elle, encore, encore et un sourire sournois lui donne un air sympathique, semblable au jeune homme qu’il était avant, celui dont personne ne se souvient, remplacé par le leader amer et peu courtois.

Il l’embrasse furtivement, capture sa bouche une fraction de seconde avant de s’enfuir aussi vite qu’il le peut. || Tu m’as vanté tes compétences de nageuse, t’es déjà fatiguée ? Dans cet état second, il ressemble à un adolescent qui a les épaules légères. Bientôt, il retrouvera son sérieux.

|| Quelque chose ne va pas, Heiura ? Tu t’es raidie face à ce bateau. Tu le connais ? Aucun détail ne lui échappe, surtout pas ce genre de détails… || Rentrons avant que l’on vienne à notre recherche. Son équipage est toujours aux aguets lorsqu’il plonge et tous se tiennent prêt à le rejoindre s’il tarde trop. Simple précaution.

Heiura est concentrée, c’est la première fois qu’il lui demande quelque chose de sérieux et elle ne veut pas tout gâcher. Et pour ne pas se laisser perturber, il ne vaut mieux pas qu’elle le regarde. Elle nage un peu plus en profondeur, prend facilement de l’avance aussi. Elle est plus rapide, mais il est plus fort et elle ne veut pas prendre le moins risque d’être vue, de se voir harponnée.

Elle écoute et obéit, contourne le navire de l’autre côté, glissant sous la coque, elle remonte doucement jusqu’à apercevoir un pavillon, celui des Feyrborn. Ce navire n’est pas un danger, mais elle reste bloquée quelques secondes, toujours sous l’eau mais proche de la surface. Il lui semble croisé le regard d’un homme, qu’elle imagine être Aédan. Qu’est-ce qu’il dirait s’il la voyait en ce moment ? Elle tient à lui, cela n’a pas changé mais est-ce qu’il la croirait ?

Tout cela est complexe et trop pour elle. Elle se ressaisit et retourne auprès du triton qui l’attend en sécurité un peu plus loin et plus bas, sans savoir cacher son trouble. Elle acquiesce, lui sourit timidement.

Elle est troublée pour une autre raison. Être sous l’eau avec lui, le voir dans toute sa beauté. Il ne ressemble pas à n’importe quel triton, il a ces airs royaux qu’elle n’a jamais vu chez aucun autre. Elle est plus grande que lui sous cette forme, c’est amusant à constater. Est-ce qu’il va regretter ? Ou est-ce qu’il va vouloir reprendre là où ils en étaient ? Ça aussi, cela la trouble et l'inquiète. Elle n’a pas envie qu’il la repousse, c’est la seule certitude qu’elle a en cet instant.

Son regard et ses mots la rassurent vite, plus encore qu’il vienne retrouver ses lèvres. Il le fait avec une facilité déconcertante, sans se poser la moindre question, comme s’il avait vingt ans de moins. Un baiser sous l’eau, c’est si doux.
Mais elle n’a pas le temps d’enrouler sa nageoire - plus longue et plus souple - autour de la sienne pour le capturer qu’il est déjà reparti et qu’il la défie. Un défi qu’elle accepte, évidemment, tout en éclatant de rire, si on peut appeler ça des éclats de rire. Tout est différent dans l’eau et lui plus encore. Et le feu entre eux semble s’être un tout petit peu apaisé.

Alors elle fonce et le dépasse aisément, ravie de faire de l’océan leur terrain de jeu, et puis il lui adresse une nouvelle question et elle fait demi-tour pour revenir vers lui. Il a l'œil affûté, un fin observateur. C’est la première fois qu’elle le remarque, qu’il fait autant attention à ce qu’elle exprime.

Tout va bien. J’ai juste cru apercevoir une connaissance.

Alors, il propose de rentrer, et évidemment que la sirène s’y oppose. C’est hors de question de ne pas profiter avec lui de l’océan. Elle secoue la tête et prend son bras, le passe autour de sa taille et l’embrasse. Un vrai baiser cette fois, dans lequel leurs langues se trouvent avec une facilité déconcertante. Une alchimie qu’elle ne s’explique pas. Physiquement tout va bien entre eux, ils feraient donc bien mieux d’arrêter de se parler et de simplement profiter de ce désir mutuel qui les dévore.

Dis-leur que tout va bien et de ne pas venir te chercher.
Et dépêche-toi avant de me perdre.

Elle le lâche alors et plonge, se retournant avec agilité et grâce. Elle ne cherche pas la vitesse, elle danse pour lui, elle chante aussi, de sa plus belle voix. Tout pour le séduire, le rendre fou. Peut-être qu’il n’a même pas besoin de les prévenir, qu’ils ont tant envie l’un de l’autre que cela ne durera pas bien longtemps. Mais cela serait si dommage, parce qu’elle n’a pas que ça en tête.
L’océan serait leur terrain de jeu, leur royaume. Est-ce que c’est trop naïf de sa part ?

Une connaissance ? Elle semble troublée, presque confuse. Son visage ne l’affiche pas clairement, mais le pirate aime analyser les gens qui l'entourent et le regard d’Heiura parle à sa place. Il y trouve souvent sa colère et la rage à son égard, la confusion cette fois, rapidement dissipée par l'insouciance d’une jeune sirène dans son élément. Joueuse, intrépide et plus séduisante que jamais. Doit-il s’inquiéter et la questionner d’avantage ? Probablement. Il ne fait rien, préfère se laisser porter par les courants pour profiter d’une trêve qui le mènera à sa perte. S’il s’approche à nouveau d’elle, comment pourra t-il faire marche arrière ? Mettre un terme à cette folie et faire taire cette attraction presque viscérale et instinctive ? Il ne le pourra pas. S’il touche son corps, s’il goutte encore à ses lèvres, à sa peau, il va sombrer.

Rhyse sourit avec tendresse et séduction. Sous l’eau, il n’est plus le même homme. Si cette seconde facette de lui-même, plus accessible et empathique, n'existait pas, personne ne serait sur le Sea Hawk, mais jusqu’à maintenant, Heiura ne l’a jamais vu ainsi. Elle plonge encore, tourne autour de lui pour captiver son regard et cela ne fait aucun doute, il n’a d’yeux que pour elle. Sur terre, cette femme est divine, mais elle l’est encore plus sous l’eau. Les écailles de sa nageoire brillent et envoutent ses iris sombres, sa voix le transporte. L’homme ne se souvient plus de la dernière fois où il a séduit une sirène dans son élément, mais doit bien admettre que le spectacle est divin. Quel triton sain d’esprit est capable de résister à ça ? Aucun !  A son tour, il s'enfonce dans les profondeurs et la fraîcheur de l’eau ne parvient pas à faire baisser la température de son corps tout entier qui lui donne l’impression de pouvoir fondre en un seul sourire, un seul regard.

Ses lèvres s’empressent de rejoindre les siennes, comme un besoin impérieux impossible à contenir. Le Prince déchu en veut plus, ne ressent plus le moindre scrupule à danser à son tour autour d’elle, comme une balade sensuelle guidée par le rythme des courants qui se mêlent à eux au fur et à mesure qu’ils dérivent. Il n’a prévenu personne et peut se faire surprendre à tout moment. Et alors ? Qu’ils aillent se faire voir ! Voilà des années qu’il ne s’est plus sentit vibrer de la sorte et que son coeur lui donne parfois l’impression d’être mort dans la bataille qu’il mène quotidiennement.

« Je ne veux pas m’arrêter, Heiura.. » De te regarder, de te désirer, de te contempler. Le lendemain, tout sera peut-être différent et le Capitaine sera de retour, distant et autoritaire, mais en cet instant, Rhyse prend le dessus sur le reste. L’homme avant le leader. La passion avant la raison.

Ses doigts caressent, savourent, découvrent et en redemandent toujours plus. Sa bouche le brûle dès qu’elle s’éloigne de la sienne, comme si leurs lèvres étaient faites pour se lier sans jamais se lasser. « Ne t'éloignes pas.». Il n’a pas la force de la suivre dans une nouvelle course car l’envie de jouer est passée, il veut plus. Il la veut elle, dans son intégralité. Le Prince l’enlace fermement, laisse son corps se coller à elle et profite de cette danse à deux jusqu’au point de rupture. A l'abri des regards, des morceaux d’extase explosent dans son être tout entier. L’armure est fissurée pour de bon et la réalité lui semble tout à coup plus dangereuse que jamais…

Pourtant, il ne ressent pas l’ombre d’un regret..

|| Je ne t’ai pas blessé ? L’attraction était si forte que certains de ses gestes avaient manqué de douceur, presque brutaux tant il était consumé par ce désir réprimé. Il espère n’avoir laissé aucune trace sur son corps et serait fou d’en trouver une, refusant d’imaginer qu’elle puisse le voir comme l’un de ces types odieux qui ont sans doute déjà croisé sa route et partagé son lit.

A sa requête, elle se laisse rattraper en quelques secondes. Il n’a pas envie d’attendre, tant mieux, elle non plus. Ses bras l’entourent et ils font l’amour, là, dans l’océan, pour la première fois. Autant pour eux, que pour elle. Son chant a attiré des baleines, qui se rapprochent et chantent elles aussi. Leurs corps emmêlés, ils tournoient dans les courants, se laissent sombrer dans les profondeurs quand la vague les assaille. Puis elle se blottie contre lui, s’accroche pour qu’il ne se sépare pas d’elle trop vite, que la passion ne cède pas sa place au froid et à la solitude. Elle le désire avec une passion folle, ce qui ne veut pas dire qu’elle refuserait un peu de tendresse. Prolonger l’instant, pour ne pas être que deux corps attirés l’un à l’autre. Mais lui aussi, la tient toujours contre lui.

C’était parfait.

Elle le rassure. La danse des corps ne peut pas être trop douce, pas avec lui en tout cas, ce n’est pas comme ça qu’elle l’envisage.

C’était la première fois…

La première en pleine mer, la première fois dans sa véritable forme. Elle ne s’était jamais sentie autant sirène qu’en cet instant. Elle cherche son regard, puis bat un léger coup de nageoire pour reprendre un peu de hauteur, entourer son visage de ses deux mains et retrouver ses lèvres. Parce que ça ne va pas s’arrêter là, n’est-ce-pas ? Ca ne peut pas s’arrêter là. Même si parfois le désir est si puissant, qu’une fois consommé, il est consumé. Elle comprendrait.
Je ne veux pas m’arrêter, Heiura…

Elle espère qu’il le pensera toujours une fois de retour sur le bateau.
La coque du Sea Hawk est visible au loin, une large tache sombre sur le plafond de l’océan. Trois silhouettes plongent. Elles viennent le chercher.

Heiura pose sa tête contre son épaule, le laisse décider s’il souhaite se détacher d’elle ou non. Si ce n’est que la première fois d’une longue série, ils le sauront de toute façon. Ils ne peuvent se cacher sur un navire.

Tout va bien, Capitaine ? L’autre navire s’est éloigné.

Tous les deux, seuls au monde dans l’immensité marine, le rêve prend fin. Pour cette fois, en tout cas. Ils regagnent le navire. Heiura est la première à se faire hisser sur le pont, elle ne reprend pas tout de suite forme humaine, restant assise jusqu’à ce que Rhyse remonte, sa longue queue pendant contre la coque du navire jusqu'à ce qu'elle puisse lui tendre le bras.
Pour des raisons évidentes, les océanides ne sont pas du tout pudiques pour la plupart.

Elle retrouve ses jambes lorsqu’il pose ses pieds sur le pont, enfile rapidement une petite robe de nuit qu’on lui tend. Elle a envie de le suivre dans sa cabine, ça ne peut pas s’arrêter là, mais est-ce qu’il en aura toujours envie, lui ? Elle se lève et s’avance, tant pis s’il lui ferme la porte au nez. Il doit au moins savoir ce qu’elle, elle veut.
Il ne peut pas être aussi goujat pour la laisser sur ça sans une petite discussion.

« C’était la première fois.. »

Cette phrase-là, Rhyse ne l’a pas vu venir. Heiura est plus jeune que lui, cela ne devrait pas l’étonner avec la drôle de vie qu’elle a eu jusqu’à là. Il n’y a simplement pas pensé et se pince les lèvres en se remémorant l’acte qui vient de se dérouler. Dans sa forme originelle, l’océanide a plus de force et plus d’instinct. L’attraction est plus grande, l’attirance est plus forte et tout est plus bestial que sur terre. Malgré la magie des amulettes, leurs yeux et leurs instincts d’océanides sont faits pour vibrer devant la beauté des corps couverts d’écailles. Heiura ne semble ni blessée, ni offusquée par sa fougue, au contraire il ne voit plus de colère dans ses yeux.

|| Je ne le savais pas. Aurait-il osé s’il avait pensé être le premier à savourer les délices d’une union en mer ? Il n'en a pas la moindre idée. || C’était parfait. lui confirme t-il à son tour. Impossible de dire le contraire. Son âge lui offre l’avantage d’avoir déjà eu des expériences sous sa forme de Triton, mais il ne se souvient pas de tant d’ardeur et d’osmose.

L’épaule de la sirène se pose avec douceur sur la sienne pour un instant de tendresse qui le trouble profondément. Il n’a plus l’habitude de se comporter de la sorte et ses amantes de passage n’ont jamais son attention. Considérer Heiura comme son amante est une folie, mais pour l’heure, il n’a pas vraiment plus à lui offrir et s’il imagine déjà comment parvenir à ne plus se jeter sur elle de la sorte, il sait qu’il n’y parviendra pas. Sur terre ou en mer, elle fait ressortir le pire et le meilleur de ses nombreuses facettes. Elle l’énerve autant qu’elle attise ses sens, les deux choses doivent être liées. Elle lui tient tête et n’hésite pas à le remettre à sa place, ça la rend terriblement excitante à ses yeux.

Rhyse pose sa tête contre la sienne et s’octroie lui aussi quelques secondes de proximité tendre, comme pour la remercier de la beauté de l’acte qui s’est joué entre eux. Au loin, les silhouettes plongent pour venir à sa recherche et le Prince reprend de la distance pour éviter plus de rumeurs qu’il n’y en aura déjà dès leur retour.

|| Un navire de la Guilde. Le blason Feyrborn, il n’y a pas de risque.
Rentrons.

Comment justifier tout le temps passé en mer pour une information aussi banale ? Il ne prend pas la peine de le faire, sa vie n’a jamais regardé personne et il se moque de l’avis des autres sur ce sujet depuis toujours. Les derniers mètres de nage l’aide à délier ses muscles engourdis, à reprendre son assurance légendaire et parer son visage adouci d’un masque plus rigide. Heiura remonte à bord la première et conserve sa forme de Sirène quelques instants. Casteel ne s’attarde pas et ses deux jambes sont vite de retour, ainsi qu’un linge de bain propre qu’un triton lui apporte aussitôt et qu’il noue à sa taille. Sur ce navire, il n’y a pas que des océanides, il y des Shaman, Cyara, entre autres et des humains dévoués à la cause qui s’étonnent sans cesse de voir des hommes et des femmes nues se balader sans honte.

|| Fausse alerte. répète t-ils à tous avant de poursuivre son chemin jusqu’à sa cabine. Derrière lui, il entend ses pas. Une démarche plus légère que la sienne. Et maintenant ? Casteel Da’Neer se bat dans un conflit intérieur. Il doit clôturer cette aparté pour leur bien à tous les deux, faire de cet instant une parenthèse de vie volée qui ne doit pas se répéter, mais il n’en n’est pas capable.. Heiura n’est pas sur un bateau bordel, elle n’a pas offert son corps à un connard et il n’a pas envie de l’éconduire, alors, il lui offre le choix. En haut des marches, des regards curieux et vitreux à cause du rhum les surveillent. Tous sont dans l’attente de savoir si oui ou non, Heiura va rentrer dans la cabine du Capitaine.

|| Vous n’avez pas mieux à faire !? Ils détalent comme des lapins sur le pont. || Dire qu’ils pensent être discrets... Le Prince se tourne face à Heiura après avoir ouvert sa porte. || Tu peux rejoindre ta cabine si tu veux être seule, ou tu peux entrer dans la mienne. Sa voix est grave, mais dénuée de méchanceté. Elle a toujours eu une sonorité naturellement autoritaire, même lorsqu’il était jeune. Son père avait la même. Rhyse est resté en mer et les sourires sont redevenus très discrets, l’attitude très rigide, mais pour autant, sa porte est ouverte. Casteel ne l’abandonne pas, une prouesse à noter quelque part.

Feyrborn… Ce nom lui tord les entrailles. Elle l’imagine sur ce navire, elle s’imagine replonger et aller le retrouver. Tout en pensant à cet étonnant moment de tendresse qu’elle vient de vivre avec Rhyse, alors qu’ils viennent très clairement de s’accoupler sous l’eau. Son désir pour Aédan n’a pas changé, sa place dans son cœur non plus. Tandis que Rhyse est l’attraction brute mais qu’elle commence enfin à l’apprécier. Son cœur est grand à la sirène, infini même. Ce n’est pas un vase communiquant qui se vide d’un côté pour se remplir de l’autre.

Un brin perturbée, elle se relève et le suit, parce qu’elle a besoin de lui parler, besoin que ça ne s’arrête pas là. Elle ne veut pas qu’il se remette à l’éviter, ce serait bien trop cruel. Cela la rendrait folle, mais aussi folle de désir, ce qui l’énerverait d’autant plus. Elle n’est pas un jouet, il doit le comprendre. Soit elle partage sa couche, soit elle ne la partage pas, même s’il n’est pas nécessaire que ce soit toutes les nuits, cela ne doit pas être que quand lui a envie, que quand lui n’arrive plus à contenir son désir pour elle. A moins que cette fois y ait mis un terme définitif ? Cela peut arriver, tant qu’il se montre honnête avec elle.

Elle se moque des regards, elle n’a rien à cacher et certainement pas à avoir honte, ou à avoir plus honte que lui. Elle relève même le menton tout en les regardant déguerpir du coin de l'œil. Et puis, Casteel lui offre un choix. Un choix qui la prend au dépourvu. Elle l’étudie un instant, son attitude, son regard, sa voix. Elle veut entrer et pourtant… Là, face à lui, ce n’est plus si évident, même s’il ne la rejette pas.

« Je voulais simplement vous souhaiter une bonne nuit, Capitaine. Pour vous remercier de m’avoir fait confiance. » Elle ment très mal.

Heiura lui offre un sourire circonspect puis recule, sans trop savoir pourquoi elle n’a pas voulu franchir cette porte. L’invitation n’était pas assez franche ? Surement. Ou peut-être qu’elle a peur de finir blessée, de quitter sa cabine en colère pour changer. Au moins là, ils se quittent en bons termes.

Elle ira regarder les étoiles, sans doute rejoint par Scylla avant d’aller se coucher, sans savoir qui occupera ses pensées, ses fantasmes. Un doux programme.

Demain sera un autre jour...

Trois jours se sont écoulés depuis cette fameuse soirée ou le Prince a cédé à l’appel des corps pour unir le sien à celui d’Heiura. Trois jours durant lesquels Casteel est redevenu celui qu’il est au quotidien. Un homme raisonnable, distant et dont l’aura d’autorité enveloppe chacuns de ses pas et de ses gestes. L’homme n'est pas retourné voir la jeune sirène après qu’elle ait préféré rejoindre sa cabine plus que la sienne. Il ne lui en veut pas de cette décision qu’il a même apprécié pour pouvoir réfléchir seul.

Les rondes matinales en mer ont repris, mais là non plus, l’héritier n’a pas souhaité être accompagné et après une excursion avec le jeune triton pour honorer sa promesse, il a plongé seul ou s’est volontairement dévié des autres. Le calme avant la tempête ? Une vérité sur bien des plans… Scylla donne une nouvelle leçon et l’homme se joint aux spectateurs. Il se place derrière Heiura qui regarde aussi le duel en cours, derrière la femme qui le fait flancher si facilement. Silencieux, il glisse discrètement une main au creux de ses reins, analyse le combat sous ses yeux avant de partir. Un signe discret qui signifie beaucoup venant de lui, la preuve formelle qu’il n’est pas entièrement parti et n’a pas oublié. Le Capitaine rejoint l’avant du navire et ordonne à ses hommes de l’y rejoindre. Au loin, le ciel est noir, comme avalé par les ténèbres et il soupire.

|| Dans moins d’une heure, nous serons en pleine tempête. Pas des moindres. Les décharges de lumières blanches qui déchirent le paysage  ne laissent pas de place au doute. La journée va être compliquée et d’ici peu, le bateau sera sous des pluies diluviennes en plein milieu des vagues qui maltraiteront la coque, les mâts autant que les estomacs les plus fragiles et les esprits soucieux. Lui non plus n’est pas serein, mais rien sur son visage ne laisse transparaître de l’inquiétude.  || Obligez les plus jeunes recrues à rejoindre les cabines, nos voyageurs également. Tous les hommes à mes côtés près des cordages, nous allons déguster.

A sa gauche, une mère entourée de ses deux jeunes filles d’environ 6 et 10 ans sont déjà transies de peur en entendant ses mots. Le Sea Hawk a accepté des voyageurs de passage, des connaissances de confiance, mais qui n’ont pas l’habitude des eaux tumultueuses. Les océanides n’ont pas à craindre la noyade, mais à bord, il y a des Shaman et des hommes qui ne survivraient pas à un naufrage.

|| Dites à Heiura d'empêcher tous les curieux de remonter sur le pont avant mon accord. Dites-lui de s’occuper des jeunes filles. Elle est douce, solaire et naturellement optimiste. Tout ira bien. Il l’espère.  || Demandez-lui de faire des rondes avec Cyara pour s’assurer que la coque ne cède pas. Si nous avons une fuite, nous sommes mal.


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Les minutes s’écoulent et rapidement, les troupes s’activent. Le vent est déchaîné et il n’y a à bord que des magiciens guérisseurs.  ||  Messieurs dames, on entre dans l’arène! Tous à vos postes ! Les matelots s’activent et le Prince se démène aussi. Il ne veut perdre ni son bateau, ni les vies qui se trouvent à bord. Les plages sont trop éloignées et l'eau est glaciale pour des surfaciens, elle serait mortelle.

Les heures défilent et donnent un aperçu de ce qu’est l’enfer. Le Sea Hawk est ballotté dans tous les sens et régulièrement submergé par des vagues déchaînées.  || On évacue l’eau ! hurle t-il pendant que les seaux se remplissent pour chasser l'excédent à leurs pieds. Les bras maintiennent les cordes et tétanisent sous l'effort pendant que l’eau ruisselle sans interruption sur des corps frigorifiés. Le froid ne les atteint pas sous leurs véritable nature, mais sur deux jambes, il est saisissant. Les esprits fatiguent et la peur afflue sur les visages, presque sur tous. Des rondes sont faites pour alterner les équipes face à l’orage et un seul homme ne cède pas sa place.

Les ordres s'enchaînent. Un sang froid inébranlable. Il est un pauvre con arrogant et maladroit, mais personne ne peut remettre en cause ses capacités à devenir un bon chef, un Roi peut-être un jour…

La pluie s’affine et comme si tout cela n’était qu’une vaste blague ou un mirage.. le soleil fait son nid au milieu des nuages noirs. Casteel penche la tête en arrière et ferme les yeux quelques secondes, profondément soulagé d’entendre les rires et les félicitations collectives des matelots qui n’ont rien lâché. Derrière lui, des pas s’approchent et il n’a pas besoin de se tourner pour savoir de qui il s’agit. Cette démarche légère et méticuleuse captive ses nuits depuis plusieurs semaines déjà…

|| Est-ce que tout le monde va bien ? .. Tu vas bien ? Les premiers mots prononcés après 4 jours de silence.  

« Terres en vue ! » hurle le guetteur qui retrouve de la visibilité.

|| Temerys.. Le soulagement transperce ses traits tirés par la fatigue.

Il pivote pour la regarder. Affronter son regard est presque plus perturbant et effrayant que de se battre contre une météo dangereuse. Il est un bon Capitaine, mais un piètre amant visiblement.

|| Avant que tu ne t'énerves sur moi. Je n’ai rien oublié, je ne regrette rien. Au contraire, il n’a fait que penser à elle et doit se rendre à l’évidence. || Je vais te faire de la place à mes côtés, Heiura. Pour apprendre à te connaître. Laisse moi du temps, je tâtonne. Partager sa bulle est une première et il n’a aucune idée de comment il doit s’y prendre. || Si tu le souhaites toujours. Car après tout, c'est elle qui s'est enfuit la fois dernière.