Quelque part entre les mers de l'est et du sud, égaré sur les cartes et au-delà des routes maritimes.
La colère du ciel s'abattait depuis quelques heures déjà, assombrissant le jour qui prenait des airs de crépuscule éternel. L'océan autour de cette île égarée entre les mers se déchaînait, grondant et attaquant la côte telle la bête sauvage qu'il était. À l'abri de la colère océanique, réfugiée dans sa crique condamnée, la vivenef essuyait sereinement les trombes d'eau douce qui lessivait ses ponts. L'eau, furieuse, battait le bois sorcier qui ne frémissait guère, laissant les gouttes se rassembler pour former quelques torrents qui s'écoulaient à travers le bastingage. Les cordages et les trois mâts gardaient quant à eux les voiles qui avaient été récemment inspectées et soigneusement repliées bien des jours avant que le ciel ne tombe sur l'archipel.
Indifférente à cette agitation naturelle, la figure de proue chevaline à queue de poisson se laissait bercer par les bourrasques qui parvenaient à se frayer un chemin jusqu'à sa crique. Les yeux clos, les sabots ballants, le bois laissait un murmure aux allures de chant raisonner en son cœur, instillant tout son apaisement à l'âme qui en avait besoin en son pont inférieur.
Il fut un temps encore pas si lointain, la Last Howl aurait probablement entretenu ses tourments dans les tourbillons de la tempête, s’inquiétant, se remémorant ses tristesses. Mais aujourd'hui sa sérénité semblait à toute épreuve, les maux étaient égarés dans le vent au profit de la satisfaction de se sentir réunie et entière.
Alors lorsqu'elle eut la sensation d'une nouvelle présence familière, c'est avec une joie non dissimulée que ses paupières de bois s'ouvrirent à nouveau. Son regard se fraya un chemin entre toute cette eau et aperçu ce visage amical sortir de la lente agitation des flots de la crique. Son chant cessa soudainement au profit de son enthousiasme.
" Arenui ! Comment vas-tu ? " Le cheval de bois se pencha en avant, laissant sa crinière battre dans son dos tandis qu'il observait le triton qu'il n'avait pas eu la chance de voir depuis quelque temps déjà.
" Tu veux te mettre à l'abri ? Monte si tu le souhaites. " Égarant quelques points de son présent dans sa mémoire, la vivenef s'empressait d'inviter le nouveau venu qui voulait peut-être échapper à la furie des éléments qui ne devaient pas manquer de se répercuter dans les profondeurs des mers.
" Tu viens d'où ? " Nous avions bien dit que le navire était étrangement apaisé, révélant sa nature d'autrefois. L'arrivée du triton sollicitait donc irrémédiablement sa curiosité. Indifférente au ciel qui lui tombait sur le bois, la vivenef se plaisait déjà à imaginer découvrir un nouveau récit de voyage.
" Aller, monte. " La créature de bois se redressa sans le quitter du regard, semblant équilibrer la massive silhouette du navire qui s'était positionnée au cœur de la crique lors des premiers assauts de la tempête afin de se protéger des dommages que des chocs auraient pu lui provoquer.