Kalyani - And the waves come crashing down

Boussole Assise en hauteur, les pieds dans le vide, Kalyani manipule sa dernière création avec circonspection. C’est une bombe, la chose est claire. Ses composants sont tous incendiaires, explosifs, voire les deux, elle le sait. C’est elle qui l’a assemblée après tout. Le design est apparu dans sa tête tout seul deux jours plus tôt et, comme à chaque fois, la jeune femme s’est empressée de réaliser ce qu’elle avait dans la tête pour pouvoir retrouver le sommeil. Le problème c’est qu’elle a beau avoir fabriqué l’engin, elle n’est pas sûre de ses capacités. Ce qu’elle a entre les mains peut se révéler un pétard mouillé… ou tous les envoyer ad patrès.

De son perchoir, elle aperçoit sur le pont en contrebas une silhouette familière et sa résolution est prise. Elle ne peut pas prendre ce genre de risques quand Wilhelmina est si proche. Après tout, c’est pour assurer sa sécurité qu’elles sont parties. Le goût de l’aventure aussi… Mais Kalyani aurait probablement pu trouver quelque emploi d’artificière à Oshaara. Une hybride en revanche a toutes les chances de finir vendue… ou pire. Et étant l’aînée de la nombreuse progéniture de sa mère, l’artilleuse a fait ce qu’on attendait d’elle. Pas qu’elle regrette son choix, alors que le vent marin ébouriffe ses longs cheveux blonds et que l’horizon infini s’étale devant le bateau mais il y a des choses qu’elle aurait sans doute pu éviter.

L’Écho est un bon refuge pour les deux sœurs. Meilleurs que les précédents. Bien meilleur que celui qu’elle a personnellement du envoyer par le fond pour éviter fichu capitaine et son second de les poursuivre pour s’emparer de sa cadette. Personne ne regarde de trop près l’équipage d’une vivenef un peu dingue et c’est aussi bien. Et ça continuera tant que la responsable des explosifs ne fait pas de vagues, littérales ou non. Alors Kalyani démonte son invention, rangeant les différents éléments dans les multiples poches de sa tenue avant de descendre. Elle est satisfaite de son travail. Elle a résolu le problème, sorti l’encombrant design de sa tête et elle peut passer à autre chose. Elle aura d’autres opportunités pour le tester un jour, elle n’en doute pas.

En quelques secondes, elle retrouve le pont et son corps compense pour le léger mouvement de balancier que les vagues impriment au navire. Elle sourit en réalisant une nouvelle fois que ça, comme sa fascination pour la pyrotechnie comme ses cheveux blonds qui détonnent sur son visage d’Oshaarienne, elle l’a sans doute hérité de son père inconnu. C’est de sa mère qu’elle tient son intelligence, son sens de la ressource et sa capacité à toujours trouver ce que son interlocuteur a envie d’entendre. Grandir dans un bordel ne lui a peut-être pas laissé de grandes illusions sur la nature humaine mais il a fait d’elle – et de ses frères et sœurs plus jeunes de parfaits petits survivants arrivant à s’adapter et à s’épanouir dans les conditions les plus improbables. Et comme son esprit se tourne vers le reste de sa famille, elle se promet de leur écrire. Et de pousser Wil à mettre quelques mots sur le papier elle aussi.

Elle salue ses compagnons de voyage, ceux qu’elle voit sur le moment en tout cas. La vie et le travail sur un navire ne cessent vraiment jamais et elle s’est bien faite à ce rythme. Elle s’est bien faite aux petites particularités d’Echo aussi. Les marins se battent pour embarquer sur les vivenefs, ces bateaux fabuleux dotés de personnalité. Pas celui-là. Celui-là n’a plus toute sa tête et la capitaine a beau faire de son mieux pour soigner ses blessures, le navire a une réputation. La chose éloigne les curieux et garantit que l’équipage lui-même ressemble à son bâtiment. Un groupe de personnes conscientes que chacun ici a ses bagages et ses cargaisons au long cours. Elles sont arrivées depuis moins d’un an avec Wil et elles ont déjà trouvé leur place. C’est une bonne chose, Kalyani se dit. De la stabilité et pas trop de mauvaises surprises, voilà ce qu’il nous faut. Et parce que la jeune femme n’est rien sinon professionnelle, elle descend pour se lancer dans une inspection matinale de la poudre et de l’armurerie.